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Test : 0°N 0°W

Instant confession : l’un de mes rêves les plus fous c’est de prendre 3 mois de congés sans solde et partir en road trip à travers les Etats-Unis, de Boston à Santa Monica pour ainsi parcourir le pays d’état en état et y découvrir ses subtilités, ses gens et leur culture. Autant vous dire que je jalouse secrètement Maximilian Arocena, le papa solo de Colorfiction, le développeur dont nous allons parler ensemble aujourd’hui. J’avais pu discuter avec lui lors de l’EGX 2017 et il m’avait confié avoir justement choisi de tout plaquer pour partir croquer le continent américain à son rythme. Le monsieur en était revenu avec des images plein la tête, de longues heures de film sur bobine et surtout une envie : en parler dans un jeu vidéo. Quatre ans et quelques hectolitres de sueur plus tard, 0°N 0W est de sortie et nous avons pu nous y essayer.

L’invitation au voyage commence par un extrait des rushs filmés par l’auteur pendant son expédition au coeur des USA. On y découvre son empaquetage du minimum syndical dans une petite valise et son départ en voiture vers l’inconnu. Les paysages défilent, du désert qu’on devine brûlant aux villes cartes postales illuminées, puis la voiture s’arrête au crépuscule dans une station-service, perdue au milieu de nulle part et l’aventure démarre pour de vrai. Après quelques pas, on découvre le seul bâtiment ouvert dans l’étrange village qui semble abandonné, un cinéma répondant au nom de 0°N 0°W. Et c’est en ouvrant la porte de l’unique salle de projection qu’on entame un trip visuel et auditif, le genre d’illustration tout droit sortie d’un numéro de Tracks (l’émission), qui n’a pas de pareil et dont le joueur ne ressortira pas indemne.

0°N 0°W est donc un jeu d’exploration à la première personne qui nous conduit de dimension parallèle en dimension parallèle, découvrant à chaque fois des mondes étranges, glitchés et rémanents, faits de polygones qui s’entremêlent sans cohésion, de textures semi-transparentes, d’aberrations chromatiques à gogo qui réagissent parfois à notre passage comme des êtres vivants, produisant des effets sonores minimalistes et fuyant notre avatar comme des animaux effrayés. Si l’on se contente de la première lecture du jeu, on y voit une succession d’oeuvres abstraites dans lesquelles se cache une porte vers le tableau suivant, et ainsi de suite. Les univers peuvent être classés en trois grands groupes : ceux qui représentent des blocs d’immeubles interconnectés par des rues, les espaces sauvages tous différents et les zones de transition, simples patchworks qui se répètent à l’infini et qu’on quitte au bout d’un certain laps de temps.

Ca c’est pour ceux qui s’arrêtent au pur pendant gaming de l’objet, mais 0°N 0°W est bien plus que cela. C’est surtout la vision très personnelle que l’auteur a des Etats-Unis. Une photographie, retouchée par son esprit certes, de son ressenti lors de la découverte émerveillée de certains lieux (spécificités géologiques uniques, parcs naturels foisonnants de vie, villes iconiques). Après avoir fait macérer ces premières impressions pendant de longs mois, le développeur nous livre ces créations originales qui rappellent au joueur curieux, et qui sait lire entre les lignes, certains panoramas qu’il aura probablement vu à la télévision, dans des films. En y associant l’émotionnel qui transpire de cette oeuvre, on obtient une expérience singulière et fascinante,

Où s’arrête la création et où commence le travail de l’ordinateur ? Le titre est troublant à plus d’un moment, car on pourrait croire que tout est généré par le programme en temps réel, mais il n’en est rien. L’artiste à juste prit son temps pour créer des tableaux organiques souvent gigantesques reliés entre eux aléatoirement, et c’est la seule fois où il laisse l’ordinateur décider de lui-même. Idem pour la musique qui s’écoute au casque, sinon rien, les compositions toutes uniques et cuisinées à la main tantôt planantes basées sur des concertos de strings électroniques, tantôt minimalistes constituées de suite de blips et de blops, toujours en adéquation avec ce qui est présenté devant les yeux du joueur. Définitivement, rien n’est laissé au hasard.

Très bon Obligé !

Au-delà de la performance artistique évidente, la vraie force de 0°N 0°W, c'est de nous donner l'occasion de vivre le ressenti de son auteur lors d'un périple on l'imagine très personnel. En ce qui concerne son rapport au média jeu vidéo, 0°N 0°W prouve que nul besoin de recourir à l'aléatoire ou au procédural à outrance pour nous immerger dans une réalité alternative atypique. Une promenade partagée qui se grignote par petites sessions, tant chaque plongée nous en envoie à la figure. 0°N 0°W est un must-have pour les amoureux de balades en terres inconnues qui rêvent de voyages à l'improviste et de grands espaces.

Jeu testé sur PC à partir d’une version fournie par le développeur. Plus d’informations sur notre politique de tests en suivant ce lien.

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