Xbox One

Test : Dear Esther: Landmark Edition

Où s’arrête le simple essai artistique et où commence le jeu vidéo ? Une question que beaucoup n’osaient même pas se poser au début des années 2000. Pourtant l’explosion des mods étranges et biscornus et l’accessibilité des moteurs de jeux ont fait que certains illuminés se sont tournés vers l’interactif pour faire passer un message. Et il faut dire que certains studios qui ont eu le courage de se lancer sur ce créneau ont accumulé les récompenses. On pense évidemment à The Chinese Room, les heureux parents des hits Amnesia: A Machine for Pigs et Everybody’s Gone to the Rapture qui tentent tous deux de nous faire vivre de nouvelles émotions et ce faisant, de nous questionner sur nous-mêmes. Mais s’il est tombé un peu oubliettes depuis sa sortie en 2012, il ne faut pas pour autant oublier leur premier succès : Dear Esther.

Internet aime bien donner des noms à tout, et si le terme désignant les jeux d’aventure à la première personne hautement narratifs est le très en vogue « walking simulator », il faut rendre à César ce qui appartient à César : Dear Esther est tout simplement la première itération de ces titres dénués, ou presque, de gameplay. Après une sortie remarquée sur la planète mods en 2008, le jeu se paye une sortie remakée début 2012 et le public découvrir un titre à mille lieues des cartons du moment. Le joueur est débarqué sans introduction sur une île mystérieuse et n’aura pour seul but que… de marcher et de se laisser porter par les dialogues qui ponctuent cette balade onirique. Profitant d’une sortie sur consoles ce mois-ci, je vais tenter en quelques mots de vous expliquer le pourquoi du comment de Dear Esther: Landmark Edition, qui pour moi reste un jeu fédérateur.

Comme je l’expliquais, l’aventure de Dear Esther: Landmark Edition se déroule intégralement sur une petite île qu’on pourrait situer au nord de l’Ecosse. On y accompagne un mystérieux personnage qui se balade sur ces terres brassées par les vagues et le vent. Au gré de son escapade, le narrateur du jeu lit à voix haute des segments de lettres envoyées à une certaine Esther. Qui est-elle, que lui arrive-t-elle, quel est son rôle dans l’histoire ? Je ne vous dirais hélas rien de plus sur l’histoire pour éviter de vous gâcher le plaisir de la découverte, car c’est bien ce qui fait tout le sel du jeu et qui tient le joueur en haleine jusqu’au bout de cette courte balade (comptez un peu plus d’une heure pour faire le tour de l’île). Malgré tout, je peux vous donner quelques pistes pour profiter à fond de cette narration.

Si Dear Esther est avant tout un FPS narratif scripté, les dialogues se déclenchant automatiquement lorsque le joueur passe prêt de certains points d’intérêt, son écriture est volontairement décousue et c’est au joueur curieux de se l’approprier en allant fouiller chaque recoin accessible de la carte. Ainsi, les impasses permettent le plus souvent de débloquer un dialogue clé et d’associer plus ou moins les différentes pièces d’un puzzle un peu trop téléphoné de prime abord. En cela, le jeu laisse une grande part à l’interprétation et de l’aveu même des développeurs, le titre a été pensé pour que les joueurs se questionnent entre eux sur leur ressenti au sortir de l’aventure. Et vu le nombre de théories qui circulent sur Internet au sujet de son histoire, on peut dire que c’est réussi !

Mais alors si nous sommes en pilote automatique pendant tout le jeu, que reste-t-il à faire ? Et bien, profiter du paysage ! Et à ce niveau, Dear Esther: Landmark Edition a de quoi vous faire voyager, tant ses panoramas sont sublimes. Le titre avait fait sensation à sa sortie en utilisant le Source Engine à son maximum pour dépeindre une nature à couper le souffle, cette version 2016 n’a rien perdu de sa superbe. Des falaises acérées aux plages lessivées, des grottes fantastiques aux épaves intemporelles, on aurait presque envie de faire des copies d’écran à chacun des nouveaux tableaux mélancoliques offerts par le jeu au détour d’une de ses dunes, ponctués d’un dialogue lu par la très juste voix de Nigel Carrington.

L’ambiance sonore y fait également pour beaucoup dans l’ambiance et la sensation de présence de l’île avec des effets environnementaux plus vrais que nature et parfaitement raccords avec les paysages traversés. Surtout, la bande originale signée Jessica Curry qui fait déjà partie des classiques de tout amateur de bandes originales est elle aussi en accord parfait avec le jeu, oscillant entre des bois mélancoliques et les samples éthérés, un vrai régal pour les oreilles. En guise de bonus, les commentaires audio des développeurs (et de la compositrice) à activer dans les options en début de partie viendront compléter votre perspective une fois votre premier run terminé, un bon moyen de creuser un peu plus le mystère, les développeurs s’amusant à poser plus de questions qu’ils n’y répondent.

Fait amusant, cette version Landmark Edition à destination des joueurs console est livrée en standard avec un champ de vision élevé (110-120) ayant pour but l’impression de marcher plus vite. Or, ce qui ne nous gênerait pas dans un FPS classique vient ici entacher la réalisation originale quasi photoréaliste du titre, ce champ de vision venant déformer quelque peu le rendu réaliste de l’image. On vous conseille de le baisser légèrement pour profiter à fond de l’expérience, quitte à jeter plus de coups d’oeil à droite et à gauche et avoir l’impression de vous trainer un peu plus dans vos déplacements. Pour le reste, c’est du tout bon, le jeu étant sous-titré avec grand soin dans la langue de Molière.

Bon

Comment conclure cet avis sur le père fondateur de tous ces FPS narratifs auxquels vous avez joué récemment (The Stanley Parable, Gone Home ou encore Firewatch) ? Certes, Dear Esther: Landmark Edition ne propose pas de véritable gameplay à la différence des titres qui lui ont succédé. Certes, l'aventure est extrêmement courte, mais il possède néanmoins des qualités indéniables. Tout d'abord, la localisation authentique de son intrigue dégage une ambiance unique et est desservie par une direction artistique réaliste et saisissante. Mais c'est surtout pour son histoire puissante et cette proposition étonnante qui se laisse effeuiller comme un recueil de poésie tout au long de cette longue balade automnale que le jeu mérite l'attention des joueurs en quête d'originalité.

Jeu testé sur Xbox One à partir d’une version fournie par l'éditeur. Plus d’informations sur notre politique de tests en suivant ce lien.

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