PlayStation 4

Test : Metal Gear Solid V: The Phantom Pain

Metal Gear Solid V

Il nous aura donc fallu un petit mois et pas moins de 62 heures de jeu pour nous forger un avis définitif sur l’un des plus gros titres de l’année : Metal Gear Solid V : The Phantom Pain. Bien qu’il ne soit pas aussi culte que certains aiment le dire, l’ultime épisode de la saga sous l’égide d’Hideo Kojima n’en reste pas moins un fantastique jeu d’infiltration qui vient refermer une boucle vieille de 28 ans.

Il y a plus d’un an, je m’étais occupé de la preview et du test de MGS V : Ground Zeroes en plein shitstorm que cette « démo payante » avait engendrée. Dégoûté de toutes ces futilités, je m’étais alors juré de ne pas m’occuper du test de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain afin de me préserver et profiter au calme de ce qui allait finalement devenir l’ultime Metal Gear d’Hideo Kojima. Pourtant, me voilà derrière mon clavier, prêt à vous donner mon ressenti sur un jeu que je ne voulais pas laisser à un autre rédacteur du site. Pourquoi?  Car Metal Gear fait partie de cette race de jeu que l’on ne peut pas apprécier à sa juste valeur sans le background nécessaire qui va avec. On ne critique pas un MGS en se basant que sur son gameplay ou sa technique. Il faut prendre en compte son fond, sa forme et ce qu’il apporte de plus à la mythologie. Ça peut paraître prétentieux, voir même un peu pédant, mais c’est la réalité des grandes sagas du jeu vidéo. Metal Gear Solid V : The Phantom Pain fait partie d’un tout et il a la lourde tâche de clore une œuvre si tentaculaire qu’elle dépasse même son créateur. Autant dire qu’il porte un putain de poids sur les épaules.

I’m afraid it’s been, nine years …
Si ce test est garanti sans spoilers ajoutés et sans huile de palme, je me réserve quand même le droit de vous raconter ce qui se passe à la fin de Ground Zeroes. Alors si vous souhaitez rester vierge de toutes informations, vous pouvez tout de suite basculer au paragraphe suivant. Pour les autres, sachez que The Phantom Pain est la suite directe de Ground Zeroes. Lors de la destruction de la Mother Base par les soldats de Skull Face, Big Boss est pris dans une violente explosion qui le plonge dans un profond coma avec une main en moins et un éclat de shrapnel logé dans le crâne. Le genre de journée qu’on peut qualifier sans problème de « merdique ». La suite, vous la connaissez tous, du moins si vous avez regardé le tout premier trailer du jeu en 2013. Big Boss se réveille 9 ans plus tard dans un hôpital Chypriote et à peine a-t-il le temps de prendre conscience de son handicap que tout part en sucette. L’hôpital est attaqué par une escouade de soldats, le personnel et les malades se font froidement abattre et histoire d’ajouter du piquant à ce véritable carnage, voilà que notre convalescent reçoit la visite d’un mystérieux homme en flamme accompagné d’un jeune garçon reprenant les traits et les facultés d’un certain Psychomantis. Je vous passe les détails sur la suite, mais une fois sorti de ce guêpier, Big Boss rejoint l’Afghanistan afin de délivrer Kaz de l’armée russe et entreprendre la construction d’une nouvelle Mother Base sous l’égide des Diamond Dogs, sa nouvelle patrie. Je ne vous en dirai pas plus sur le scénario, je n’ai pas spécialement envie de me faire éclater la rate par une bande de fans un peu trop susceptible, mais sachez juste qu’il s’articule autour du thème de la vengeance avec comme fil rouge l’irrémédiable décente aux enfers de celui qu’on a d’abord connu comme étant le grand méchant de l’histoire.

Let the legend come back to life
Avec plus de 60 heures de jeu dans les pattes, je peux vous dire sans sourciller d’un nanomètre que Metal Gear Solid V : The Phantom Pain est ce qui se fait clairement de mieux dans le genre infiltration. Le jeu reprend le gameplay de Ground Zeroes en y apportant quelques nouveautés et ajustements qui font qu’infiltrer une position ennemie n’a jamais été aussi jouissif. Surtout qu’avec un arsenal ultra-complet, une pelleté de gadgets,  le cycle jour / nuit et une météo dynamique, le champ des possibles est presque infini et la plus banale des missions peut être abordée de multiples façons en plus de pouvoir prendre mille et une tournures. Jugez plutôt. Alors que je devais éliminer une cible dans une base ennemie et que je me fais toujours un devoir d’opérer dans la plus grande des discrétions,  j’ai d’abord pris soin de marquer l’intégralité des ennemis, dont ma cible, avec mes jumelles depuis une position en hauteur. J’ai ensuite emprunté le chemin le plus court, en prenant soin de me débarrasser des gardes sur ma route afin de m’assurer une sortie de secours, jusqu’à ce qu’une tempête de sable s’abatte sur la zone. Là, j’ai profité du manque de visibilité pour aller directement zigouiller ma cible après lui avoir fait cracher quelques précieuses informations. Manque de bol, la tempête s’est levée rapidement et je me suis retrouvé nez à nez avec un char d’assaut et une demi-douzaine de gardes armés jusqu’aux dents. Et après cinq bonnes minutes à échanger du plomb et jouer à cache-cache avec les gardes, j’ai dû demander l’appui d’une frappe aérienne pour me débarrasser du tank et enfin m’exfiltrer de la zone à dos de mon fidèle destrier. Et c’est dans ce genre de moment qu’on perçoit toute la magie et la puissance du gameplay de MGS V. Ce sentiment d’inattendu qui émerge du mariage parfait entre des mécaniques de jeu solide et une liberté d’action totale. Une liberté qui découle de l’intégration d’un monde ouvert inédit pour la série et qui vient sublimer l’infiltration en la rendant aléatoire, périlleuse et particulièrement succulente.

Afghanistan is a big place
Brisons la glace d’entrée de jeu. Non, MGS V ne propose pas un open world traditionnel comme on peut le voir dans un GTA et propose en réalité deux vastes zones de jeu, l’une en Afghanistan et l’autre à la frontière entre l’Angola et le Zaïre, composées de « niveaux » reliés entre eux par différents types de routes ou chemins. La population est réduite à son strict minimum et s’il est toujours possible de tomber nez à nez avec un loup, un zèbre ou bien une patrouille entre deux avant-postes, on se retrouve le plus souvent à crapahuter seul à destination de sa prochaine mission. En même temps, on reste dans un jeu d’infiltration militariste et l’intégration d’une carte à la GTA n’aurait eu ici aucun sens. Mais cette zone de jeu, qui peut paraître morte vue de l’extérieur, agit comme un organisme vivant lorsqu’on la combine avec l’intelligence artificielle qui est ici particulièrement efficace. Il y a des tas de vidéos qui montrent qu’elle peut être parfois très débile une fois isolée, mais dans l’ensemble, ça fonctionne du feu de dieu. Entre les rondes qui varient, les gardes qui vont se coucher, qui tapent la discute entre eux et les arrivées impromptues de patrouilles, à pied ou en véhicule, on ne se sent jamais vraiment à l’abri et il faut toujours être aux aguets pour ne pas se faire repérer. De plus, dès lors qu’une alerte est enclenchée, ne vous pensez surtout pas isolé du monde, les avant-postes dialoguent entre eux et une base peut rapidement recevoir l’appui logistique d’une autre et il n’est pas rare de voir débouler un hélicoptère lourdement armé pour vous faire la misère. Et c’est typiquement dans ce genre de situation qu’on apprécie d’avoir le soutien de son buddy, un compagnon de route qu’on choisit avant d’aller sur le terrain. Si on commence l’aventure avec le cheval comme seul soutien, on est rapidement rejoint par DD, Quiet et enfin  D-Walker, un robot tout terrain particulièrement efficace. Chaque buddy propose des particularités qui lui sont propres et il est nécessaire de les emmener régulièrement en mission pour tisser des liens et avoir accès à de nombreuses fonctionnalités supplémentaires. Pour ma part, j’avoue avoir une préférence pour la jolie Quiet qui est capable de faire de la reconnaissance et d’aligner les headshot dès que ça tourne au vinaigre. Là encore, c’est au joueur de composer selon ses envies, mais il est primordial de varier les plaisirs pour tirer toute la substantifique moelle de ce qu’a à proposer le jeu.

You see this? Diamon Dogs, our new home
De la même manière que dans Peace Walker en son temps, Metal Gear Solid V : The Phantom Pain propose un véritable jeu dans le jeu avec la Mother Base. Une plateforme pétrolière au large des Seychelles qui sert de camp de base à Big Boss et aux Diamong Dogs. En la développant, on a accès à de nouvelles armes, un meilleur équipement ou encore des unités de soutien pour des missions de reconnaissance sur le terrain. C’est donc un passage obligatoire afin d’avancer dans le jeu dans la meilleure des configurations. Et si la gestion de la Mother Base demande un soupçon de stratégie, elle demande surtout énormément de temps. Car pour booster les différentes unités à leur maximum, elle a besoin de ressources, de personnel et de matériel que l’on doit récupérer sur le champ de bataille à l’aide des ballons Fulton. Un petit accessoire diaboliquement amusant à utiliser qui permet de récupérer tout et n’importe quoi allant du trouffion de base au char d’assaut en passant par une adorable petite chèvre. Le jeu nous encourage à ne jamais cesser de « farmer » sous peine de ne pas avoir accès à certains types d’armes et se retrouver comme un couillon devant un convoi de blindés à détruire. Au fur et à mesure de son développement, la Mother Base change radicalement et passe de la petite plateforme pétrolière à une gigantesque base tentaculaire. Le problème, c’est qu’il n’y a strictement rien à y faire. Il y a bien une ou deux missions qui s’y déroulent, ainsi que quelques cinématiques très sympathiques, mais au-delà de ça, autant vous dire qu’on s’y ennuie ferme à la Mother Base. Un ennui qui cristallise l’un des plus gros défauts de MGS V. A savoir une structure de jeu bancale qui entraine des problèmes de rythme et une narration brouillonne.

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When the time comes i’ll pull the trigger
À vouloir jouer la carte de la générosité, Hideo Kojima et ses équipes se sont quelque peu égarés en chemin. À commencer par une structure de jeu mal fagotée où l’on doit systématiquement passer par le centre de commandement pour lancer une nouvelle mission ou alors passer par l’I-Droid et se taper plusieurs minutes de chemin avant d’atteindre un point de rendez-vous. De quoi gâcher le rythme d’une aventure qui était déjà loin d’être optimale. La première partie du jeu tire abusivement en longueur et créée une certaine frustration à enchainer les missions sans que le scénario n’avance d’un iota alors que la seconde partie est ridiculement condensée et nous demande de refaire des missions dans un mode de difficulté supérieure. Il n’y a rien de mal à refaire des missions, surtout que le gameplay s’y prête à merveille, mais pas lorsqu’il s’agit de faire avancer le scénario. Dans le même ordre d’idées, certaines missions « secondaires » sont obligatoires pour avancer dans l’histoire et sont mêmes nettement plus palpitantes que certaines missions principales. Une bizarrerie de game design que je n’arrive toujours pas à expliquer. Il n’y a rien de vraiment rédhibitoire la dedans, mais lorsqu’on doit s’arrêter pour se dire « Qu’est-ce que je dois faire maintenant pour que ça avance » c’est qu’il y a forcément un problème de conception quelque part. Et il y a aussi quelques petits soucis dans la narration. Je ne parlerais pas du nombre de cinématiques et de leur durée, j’estime que c’est un faux débat, mais plutôt des cassettes audio qui remplacent les conversations au codec. Si dans la forme, leur utilisation est plutôt cool (On peut même les écouter sur son téléphone via l’application du jeu), le fait de donner le choix au joueur de les écouter ou non impactent fatalement la narration et la compréhension de l’intrigue. Si bien qu’il faut sans cesse aller voir si de nouvelles cassettes sont disponibles afin d’être sur de ne rien rater et d’être en phase avec les missions que l’on vient de faire. De plus, l’écoute de certaines cassettes font avancer le scénario et on apprend parfois des choses tellement dingues sur la mythologie de la série qu’on se demande pourquoi elles n’ont pas été remplacées par une bonne vielle cinématique. Une autre bizarrerie qui tend à prouver que le développement du jeu a été compliqué et qu’il a sans doute été terminé à la hâte avec certains éléments qui sont passés à la trappe. Comme ce fameux troisième chapitre que l’on ne peut voir que dans le DVD Bonus du jeu. En clair, un gâchis.

Kaz, i’m already a demon
Comme ça me faisait mal de terminer sur une fausse note, j’ai préféré parler de la technique en dernier. Surtout que ce n’est pas le point le plus important du jeu et qu’il suffit simplement de poser les yeux sur une image ou une vidéo du jeu sur le net pour se rendre compte de la puissance du Fox Engine. Le jeu est beau à en chialer et se permet même de tourner en 1080p et en 60fps sans la moindre baisse de régime. Pourtant, à y regarder de plus près, la réalisation n’a rien d’extraordinaire. Les modélisations sont « classiques », certaines textures manquent même de finesse, mais il y a un tel travail sur la colorimétrie, les effets et la gestion de la lumière que certains plans font dans le photo-réaliste. Notamment en Afghanistan avec ses paysages rocailleux qui paraissent incroyablement réels par moments. Comme le veut la tradition de la série, le jeu propose une bande-son soignée, des doublages parfaitement dans le ton avec un Kiefer Sutherland qui double Big Boss remarquablement bien. La seule ombre au tableau étant l’absence d’un véritable thème marquant même si celui de Quiet refuse de sortir de mon crâne depuis que je l’ai écouté. Metal Gear Solid V : The Phantom Pain est un jeu qui transpire la générosité et ça se ressent aussi bien dans son contenu que dans sa forme. Quant au fond, si je ne me permettrai pas de vous spoiler la moindre information, sachez simplement que le jeu donne des réponses, parvient à tisser le lien manquant avec le premier Metal Gear et prouve une nouvelle fois à quel point Hideo Kojima sait faire preuve d’ingéniosité quand il s’agit de jouer avec vous et de communiquer avec lui. Maintenant, cette conclusion ne plaira pas à tous, les forums sont déjà en ébullition, mais sachez que c’est avant-tout à vous et vous seul de vous forger un avis sur la question.

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