Découverte

Interview : Figment

Explorer l’âme humaine et ce qui se passe dans notre petite tête lorsque nous quittons notre corps, le temps d’une nuit ou plus longtemps lors d’un trauma, voilà ce que le voyage que proposent les jeux du studio danois qui porte bien son nom : Bedtime Digital Games. Alors qu’on attend toujours la date de sortie de leur prochain jeu, Figment, le lead designer Jonas Byrresen a pris un peu de son temps pour nous en dire plus sur leur approche du design, du travail en communauté et sur ce que l’on va bien pouvoir faire dans Figment. Pour plus d’informations sur le jeu, rendez-vous sur le site officiel.

Bonjour Jonas, peux-tu nous parler de votre petit studio Bedtime Digital Games ?

Le noyau dur qui évolua vers la structure qu’on appelle aujourd’hui Bedtime Digital Games est le fruit de rencontre entre des étudiants d’un même programme universitaire, le DADIUU en 2011. Ce projet est une collaboration entre différents établissements et écoles d’art du Danemark en vue de rassembler des étudiants dans de grandes équipes pluridisciplinaires pendant un semestre entier. Les élèves s’inscrivent pour certains rôles de décideurs et l’idée est qu’ils expérimentent un procédé de production et apprennent à travailler avec d’autres professions. Durant ce semestre, nous avons prototypé la toute première version de notre jeu Back to Bed, un puzzle-game artistique qui parle du somnambulisme. Ce concept a été très bien reçu par la critique et les experts de l’industrie, nous avons donc continué de travailler sur le jeu et avons lancé une microcampagne Kickstarter pour nous aider à financer le projet.

Mais c’est surtout à l’IGF 2013 que les choses sérieuses ont commencé. Des investisseurs ont montré un intérêt pour le jeu, son design unique et surtout toute l’attention qu’il retenait. En suivant, nous avons pu monter une petite équipe avec les membres clé de notre groupe scolaire et avons démarré notre société dans le but de sortir Back to Bed et de travailler sur d’autres jeux.

De Chronology à Figment, d’où vous vient ce goût pour les mondes étranges qu’on croirait tout droit sortis d’oeuvres de M.C. Escher, Magritte ou Dali ?

Pour être honnêtes, nos influences proviennent d’un mélange de beaucoup de choses. Il n’y a aucun doute sur le fait que nos esprits créatifs ont largement été façonnés par l’art surréaliste, les artistes comme Dali ou Escher ont été décisifs dans notre approche au jeu vidéo et notre volonté de créer des mondes imaginaires uniques et émuler des environnements qui prennent vie dans l’inconscient humain.

Nous sommes partis de là, mais cela ne nous empêche pas de vouloir créer notre propre patte à nous, reconnaissable par les joueurs. En ce sens, nous regardons également une tonne d’animes de grande qualité comme les films réalisés par le studio Ghibli, d’autres jeux, des dessins animés et tout ce qui peut nous servir d’inspiration. La clé de voûte de notre processus créatif est de considérer l’écran comme une toile vierge sur laquelle nous devons faire tout pour que le joueur ait l’envie de la scruter et regarder partout autour de lui.

Vous allez prochainement sortir Figment, votre nouveau jeu d’aventure. Peux-tu nous en parler ?

Bien sûr ! Figment est un jeu d’action-aventure en vue isométrique dans lequel le joueur doit voyager dans l’interprétation surréaliste d’un esprit humain qui est en proie à un trauma inconnu. Le but est d’aider l’esprit à dompter ses peurs. Le joueur contrôle Dusty, un personnage rondouillard et grincheux qui fait partie intégrante de l’esprit et qui est la seule chose qui permet à l’humain de lutter contre les créatures cauchemardesques qui s’infiltrent dans sa psyché. En termes de gameplay, on est entre l’exploration et les puzzles avec une dose certaine de combats. Malgré cela, là où le jeu nous rend très fiers, c’est par son style entièrement dessiné à la main, son ambiance et l’utilisation de la musique et des chansons.

L’histoire est-elle inspirée par une expérience personnelle ? Avez-vous fait des recherches sur la psyché humaine pour préparer le jeu ?

Le thème et l’histoire ne sont pas inspirés par des événements spécifiques, mais plutôt par l’expérience de la vie de toute notre équipe. Le thème et le monde du jeu sont articulés autour de l’idée que le subconscient humain est défini par différents aspects uniques, comme le fait d’être né libre et créatif, bien qu’elle soit aussi composée d’éléments logiques et de toutes ces petites voix qui nous influencent constamment. L’homme n’est pas une espèce unidimensionnelle, mais une créature complexe et le joueur va s’en rendre compte en fouillant l’environnement ou en écoutant les dialogues du jeu.

Les ennemis sont largement inspirés par une recherche autour des peurs primales humaines et des cauchemars. Ce faisant, nous avons remarqué que nous partageons un set de peurs communes qui peuvent prendre l’apparence de cauchemars différents en fonction de chacun. Notre but est aussi que les joueurs puissent retrouver certains de ces cauchemars qu’ils ont vécus d’une manière ou d’une autre. Expérimenter la peur et la surmonter est une partie de ce qui fait de nous des humains, il était donc normal pour nous d’en parler dans un jeu vidéo.

Pourrais-tu nous parler du process créatif autour de Figment et son monde surréaliste dessiné à la main ?

Un des points clés de notre approche du boulot en équipe est d’être sûr que les responsables des niveaux, de l’histoire, des visuels et du son puissent travailler de concert aussi souvent que possible. Parfois, certains avancent plus vite que d’autres sur certains sujets, mais nous essayons de promouvoir autant que possible cette volonté de partage. En même temps, nous ajoutons à cela notre vision de l’écran en tant que toile. Cette combinaison crée des scènes et événements originaux et très détaillés, mais c’est une approche du travail qui consomme énormément de temps et nécessite des phases de test régulières pendant le projet.

Un de nos challenges est d’accorder nos pianos sur une idée qui marche d’un côté, mais peut-être pas de l’autre. Cela implique parfois de devoir refaire complètement certaines choses considérées comme terminées, cela peut-être difficile, mais nous pensons qu’au final, le résultat parle de lui-même.

Le jeu promet également une bande originale dynamique. Comment s’est passée votre collaboration avec Niels Højgaard Sørensen ?

Nous avions toujours voulu avoir une superbe composition musicale et des effets sonores de qualité dans le jeu, mais pour ce qui est des éléments musicaux, des chansons et des mécaniques de création sonore, tout cela n’a été implémenté que lorsque notre designer audio Niels à rejoint l’équipe.

Son expérience, son énergie et son envie d’expérimenter des choses inédites entre le son et le gameplay ont été le point de départ d’une bande originale créative et unique. Il fut aussi le premier a vouloir donner de la voix via le chant à un ennemi, et cela a donné vie à une des caractéristiques narratives du jeu. Cette idée donne tellement de personnalité aux adversaires dans le jeu, on pourrait presque se croire face à des méchants dans un classique Disney !

Parlons maintenant du gameplay. En quoi consisteront les phases de combat dans Figment ?

Comme je vous l’ait dit précédemment, Figment est un jeu d’aventure, donc comme tous les jeux du genre il utilise une synergie de mécaniques pour créer un tout, mais il se focus sur l’exploration et la résolution de puzzles, entrecoupés de combats qui vont apporter du rythme à l’ensemble. Les puzzles feront appel à l’interaction avec l’environnement et les objets à votre portée pour permettre d’aider le subconscient latent. Les combats eux seront très basiques.

La partie intéressante de ce gameplay arrive lorsqu’action et réflexion sont liées et le joueur doit éviter un danger tout en résolvant un challenge, avec en fond une musique entraînante unique.

Pour terminer, finalement Figment pourrait être vu comme une histoire que l’on raconte aux enfants avant d’aller dormir ?

Vous savez, le nom de notre société Bedtime nous est apparu lorsque nous préparions Back to Bed. Nous souhaitions faire un jeu qui parle de ce que l’on ressent lorsqu’on est dans son lit ou juste avant d’aller dormir. Nous voulions faire un titre relaxant, pas trop difficile, dérouler un jeu et une histoire qui sont plus des appels au repos et au travail de l’imaginaire dans les rêves qu’autre chose. Pas étonnant que tous nos projets tournent autour de cela, de mondes qu’on ne trouve normalement que dans nos pensées les plus profondes.

Merci ! Une dernière chose à rajouter ?

Oui juste une chose, si les joueurs sont intéressés, ils peuvent aller consulter notre blog, nous y dévoilons beaucoup de notre process créatif dans des vidéos qui montrent notre travail, les idées de productions et qui peuvent permettre de patienter en attendant la sortie du jeu.

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