PC

Test : Aragami

Comme beaucoup de développeurs avant eux, les Espagnols de Lince Works ont forcément été déçus lorsqu’ils ont dû se résoudre à voir leur projet Kickstarter se terminer sans être financé il y a déjà deux ans. Pourtant cela n’a pas entaché leur volonté de créer un jeu d’infiltration, bien au contraire. Des dires des développeurs, le prototype qu’était Twin Souls a pu grandir et murir pour enfin devenir un ambitieux jeu d’infiltration dans la veine de Tenchu qui sort enfin sur PC et PlayStation 4. Aragami, c’est son petit nom, sort enfin de l’ombre et il est grand temps de voir si le studio barcelonais a su créer un sérieux concurrent à toute la flopée de jeux d’infiltrations qui sortent cette année. En tout cas c’est tout ce qu’on lui souhaite.

S’il est principalement inspiré de la zénitude de Journey, Aragami lorgne allègrement sur la mythologie asiatique et plus précisément l’ère Edo japonaise qu’on retrouve comme par hasard dans le chouchou des développeurs : Tenchu, il est donc tout naturel qu’il serve de base pour établir l’histoire de leur bébé. Dans ce jeu d’infiltration à la troisième personne, vous jouez un aragami, un esprit vengeur invoqué par une mystérieuse jeune fille : Yamiko. La pauvre s’est fait emprisonner par le clan de Kaiho, après qu’ils aient massacré toute sa famille. Il vous incombe donc en tant qu’esprit des ombres d’aller récupérer un certain nombre de talismans pour libérer Yamiko et ce faisant, massacrer le plus possible de maîtres de la lumière.

Un scénario somme toute bateau et dont le twist apparait en filigrane dès le début du jeu. De ce côté-là donc peu de surprise donc et on ne lui en voudra pas, car on sent pad en main que cette histoire téléphonée est juste un prétexte pour nous faire voir du pays. En effet, le jeu se construit autour de niveaux dans lesquels votre but sera de récupérer un nouveau talisman. Evidemment, il vous faudra parcourir le Japon médiéval de long en large (et en une seule nuit !) pour choper tous les précieux artefacts. A vous donc les forêts sombres, les villes et leurs pagodes à escalader, les forteresses autour d’un grand lac, etc etc. Les niveaux sont tous vastes et propices à l’exploration et l’infiltration, car ils vont de pair avec un gameplay mettant en avant la grimpette et les meurtres discrets.

En bon apprenti de l’école des ombres, Aragami aura à sa disposition tout un panel de pouvoirs l’obscurité d’où il puise toute sa force. Il ne peut être vu lorsqu’il se confond avec une ombre projetée sur le sol et son « leap » lui permet à la manière du grappin de Tenchu ou plutôt du « blink » de Dishonored de se téléporter sur des distances raisonnables tant que sa jauge d’ombre astucieusement positionnée sur sa cape est remplie. Ces règles d’or s’appliquent à tout ou partie de chaque niveau. Ainsi, le jeu nous invite à gagner les hauteurs, qu’elles soient sous la forme de plateformes dans les arbres ou des toits des maisons et de fondre sur nos ennemis en toute discrétion pour leur asséner un coup d’épée mortel dans le bide. Petite précision cependant, les ennemis eux aussi ne sont pas en reste et le moindre coup signifiera automatiquement la mort du héros.

A vous donc de vous mouvoir dans la nuit en analysant les tours de garde des soldats sans éveiller les soupçons et en tranchant à tout va dès que l’occasion se présente. A l’aide de parchemins de pouvoirs, vous pourrez même débloquer des compétences de base d’Aragami puis des techniques défensives et offensives. Cependant, on regrette que la plupart des techniques dites spéciales (un dragon d’ombre qui vient engloutir une cible, une vague d’ombre qui aveugle un groupe d’ennemis ou un double de vous-même qui sert de leurre) ne soient pas d’une nécessité absolue. On préfèrera investir nos points dans les techniques de base vraiment utiles comme la capacité de faire disparaître les corps (un indispensable !) ou de scanner les alentours à l’aide de notre corbeau pour taguer les ennemis à proximité.

Toutefois, les sorts d’ombre les plus complexes peuvent servir à varier les plaisirs tant les cartes regorgent d’ennemis de toutes sortes : soldats classiques, magiciens, archers. On prend vraiment beaucoup de plaisir à planifier ses assassinats en suivant méticuleusement ses cibles et en se téléportant derrière elles au bon moment pour leur trancher la gorge d’un coup sec ou en leur balançant un kunai bien senti. Ceci est en grande partie dû au level design du jeu et aux niveaux gigantesques qu’il offre au joueur. Certaines cartes sont carrément géniales comme le Mausolée des Disparus et ses cinq temples tous différents ou le Grand Lac qui nous fait nous téléporter de barque en barque, un vrai délice à arpenter comme le ferait un véritable ninja.

Si le jeu marque des points sur de nombreux tableaux, il n’est pas exempt de défauts, certains pouvant même être agaçants dans des situations d’infiltration pure. Si l’on passe sur les quelques rares bugs de collisions qui occasionnent un rechargement du dernier point de contrôle, c’est surtout le manque de lisibilité du « leap », l’abilité principale de notre héros, qui pose problème. Il arrive souvent lorsque l’on tente de se téléporter sur le bord d’un toit, un muret ou une pierre que l’on ne puisse pas le faire, car le curseur ne passe pas en mode « leap » et ça peut devenir frustrant à la longue. De même, il n’y a pas de règle établie quant à la distance à laquelle on peut se téléporter : parfois quelques mètres, parfois quelques dizaines de mètres, sans véritable explication, les deux situations comprenant le même type de zones d’ombre.

Enfin c’est surtout les boss-fights du jeu qui nous ont causé le plus de désagréments. Certes, il n’y en a pas beaucoup, mais ils sont presque tous mal orchestrés et rompant brusquement avec le rythme posé du jeu pour nous proposer des combats en arène pas franchemement intéressants. Ce n’est pas nouveau, rares sont les jeux d’infiltration qui séduisent par leurs propositions d’affrontements avec des boss, mais c’est toujours triste de constater qu’en 2016, on ne trouve pas d’autres idées que le choc frontal bête et méchant entre deux personnages… surtout lorsque les designers nous prouvent qu’ils sont capables du meilleur avec un level design et un game design tous deux globalement maîtrisés.

Et ce ne sont pas les seules qualités de ce Aragami. La palette de couleurs choisie, la direction artistique simple et efficace, l’écran étonnamment nettoyé de tout HUD superflux, y’a pas à dire le jeu regorge de bonnes idées. En guise de cinématiques, Aragami se paye même de petites séquences de dessin animé qu’on croirait tout droit sorties des studios d’animation responsables de la saga du Dernier Maître de l’Air, rien à redire à ce sujet. Enfin l’envoutante bande originale composée par le studio Two Feathers déjà à la composition de l’excellente BO de Hammerwatch colle parfaitement à la thématique mythologique du jeu et vient sublimer nos escapades nocturnes tout en douceur, une vraie réussite.

Bon

Bref, il ne manquait pas grand-chose à Aragami pour figurer dans notre liste des indispensables de l'année. Son gameplay typé infiltration librement inspiré de Tenchu est franchement maîtrisé et le level design de ses niveaux qui donne envie de se surpasser pour faire un score parfait sans se faire voir est également à mettre au crédit du studio espagnol Lince Works qui réalise un quasi sans fautes pour une première incursion dans le jeu vidéo. Le titre intègre même un mode coopératif pour faire la campagne en duo d’assassins. Cependant, les petits couacs du système de téléportation, au coeur même de la killer-feature du jeu et des boss-fights sans réels enjeux nous empêchent de lui décerner le macaron rose symbole du jeu coup de coeur, à la rédaction. Aragami reste néanmoins un titre à dévorer par tous les fans du genre qui sont décidément gâtés en 2016.

Jeu testé sur PC à partir d’une version fournie par le développeur. Plus d’informations sur notre politique de tests en suivant ce lien.

Cliquez pour commenter

Envoyer

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Derniers articles

En haut