Switch

Test : Dandara

C’est en s’autoproclamant « destructeur des mondes du publishing moderne » que le label indépendant nordique Raw Fury s’est forgé une solide réputation auprès des petits développeurs comme d’un public constamment à la recherche de nouveauté. Et il faut dire que les projets qu’il a propulsé ne ressemblent à aucun autre : GoNNER, Tormentor X Punisher, Uurnog Uurnlimited ou le encore très attendu The Last Night, autant de noms à la limite de l’imprononçable et surtout d’approches vraiment originales. Pas étonnant alors que le second jeu des brésiliens de Long Hat House soit lui aussi passé sous le giron de l’irréductible suédois. Dandara, inspiré du personnage historique du même nom est un metroidvania pur souche dans lequel son héroïne défie la gravité de manière inédite, se déplaçant en bondissant de surface en surface du sol au plafond dans un monde de sel opprimé par un régime totalitaire. Depuis notre prise en main furtive à l’EGX 2017, nous attendions avec impatience sa sortie sur Switch. Voilà qui est fait. Passons donc au test.

Je l’évoquais plus haut, les racines du jeu sont profondément ancrées dans la culture brésilienne. Dandara, révolutionnaire du 17e siècle ayant lutté pour protéger Palmares, la cité des esclaves libérés jusqu’à ce qu’elle se suicide lors de son arrestation, refusant ainsi de retourner en esclavage. La légende de Dandara et sa symbolique résonnent encore aujourd’hui dans le coeur des brésiliens, pas étonnant alors qu’elle ait inspiré le duo Long Hat House à l’origine du jeu. On y retrouve donc la figure mythique de l’héroïne, avec sa coupe afro et une longue écharpe jaune. L’oppression, elle, est représentée par le dictateur Eldar et ses monstrueuses troupes régnant sur le pays du sel qui vivait jadis en paix et en harmonie avec les éléments. Si les faits historiques ne sont jamais suggérés, on se demande jusqu’où sont allées les investigations des développeurs et dans quelle mesure ont-elles influencé leurs esprits lors de l’écriture des différents protagonistes de l’histoire qui ont tous une identité particulière.

Mais finissons-en là avec la leçon d’histoire et passons au jeu vidéo et sa principale caractéristique : les déplacements de l’héroïne dans l’espace. A la différence de n’importe quel jeu d’action/plateforme ou d’un metroidvania standard, Dandara ne marche pas sur le sol et n’est pas soumise à la gravité. Ici, la guerrière bondit et s’accroche sur toutes les parois de sel à l’aide d’un système d’accroche légèrement autoguidée qui ne demande pas de viser parfaitement juste pour avancer. Cela lui permet de viser et tirer la tête en bas, bien à l’abri de certains ennemis adeptes du corps-à-corps ou d’atteindre des plateformes virtuellement inaccessibles aux premiers abords, enchaînant les zigzags nerveux entre les boulettes balancées par les sbires Eldariens. Ca permet surtout aux designers de façonner l’environnement comme ils le souhaitent, libérés des contraintes pesantes de la gravité. Ainsi chacun des 6 environnements du jeu renouvelle les mécaniques de jeu en ajoutant un aspect, une interaction où un défi gravitationnel supplémentaire, du Village des Artistes et ses puzzles retords aux Territoires au-delà du Mur qui demanderont un peu de jugeote pour y pénétrer en passant par un monde des Rêves très bien pensé qui donne des sueurs froides…

Nous ne vous en dirons pas plus pour ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte mais soyez certains que vous ne vous ennuierez pas. Par contre Dandara ne vous prendra jamais par la main, le jeu demandant parfois quelques minutes de réflexion pour deviner où il souhaite nous amener ensuite. A chaque nouvelle salle son défi et on se surprend à prendre du temps pour topographier les lieux, analyser les zones sur lesquelles s’agripper et surtout planifier un itinéraire de secours vers la sortie la plus proche en cas problème car les couloirs du pays du sel regorgent d’ennemis qui nous veulent du mal ! Le bestiaire du jeu est assez riche et évolue constamment jusqu’à la toute fin de l’aventure. Des gardes qui nous foncent dessus tête baissée aux Goliath qui balancent des arcs électriques sur les points d’accroche à chaque fois qu’on les touche en passant par des missiles à tête chercheuse, etc., chaque rencontre avec l’ennemi est un nouveau défi en soi. Les moindres patterns sont étudiés pour être exigeants mais jamais punitifs.

Et que dire des combats de boss ! C’est l’un des gros points forts du jeu, ils mettent tous la mécanique de bond de Dandara à l’épreuve et exploitent tous les recoins de l’environnement dans lequel ils évoluent pour proposer des challenges piquants et prenants. Le top du top reste Bélia, le second boss déjà aperçu dans l’une des bandes annonces et qui nous obliger à virevolter dans un tunnel circulaire pour lui échapper avant de s’engouffrer dans ses entrailles, du grand art ! Finalement, tous les affrontements de Dandara feront appel à la dextérité du joueur et demanderont de jongler avec les éléments interactifs de la salle dans laquelle on se trouve : plateformes mouvantes, mécanismes en tous genres et les armes à notre disposition. La demoiselle possède un flingue de base et quelques pouvoirs supplémentaires acquis auprès de PNJs et d’autels : missile, rayon de lumière occulte, projectile rebondissant sur les surfaces, bouclier énergétique. Pour déclencher ces pouvoirs, on consume une jauge d’énergie qui pourra être re-remplie un certain nombre de fois à l’aide d’infusion de sel glanées dans les coffres et, metroidvania oblige, pourra être mise à jour à l’aide du précieux sel récolté notamment sur les restes des adversaires.

Il en va de même pour la barre de vie de notre afro-brésilienne au grand coeur qui pourra être étendue à loisir. Autre composante intéressante du jeu, comme dans Dark Souls dont il s’inspire, tout le sel acquis pendant le run restera scotché à notre cadavre en cas de mort prématurée et l’on ressuscitera au dernier feu de camp visité. A nous donc d’aller récupérer ce butin en évitant de se faire tuer à nouveau. Evidemment, à l’identique de tous les titres qui cultivent cette vision sadique de la mort, Dandara n’est pas facile à prendre en main pour un novice. La première heure peut paraître poussive car en plus d’avoir à apprendre à se déplacer dans les niveaux, on doit conjuguer avec des ennemis qui veulent notre peau et un nombre de points de vie extrêmement réduit. Le système de déplacement n’est pas non plus infaillible, le personnage s’arrêtant parfois pendant une course, la faute justement à une accroche automatique qui ne marche pas à tous les coups. Mais à force de persévérance, on multiplie les runs, on acquiert de plus en plus de sel (de skill, aussi) et on progresse agréablement pendant toute la durée de la campagne, soit 5 à 6 heures. On regrette toutefois que l’histoire ne se complexifie pas plus sur la durée, le scénario du jeu restant sans surprise de bout en bout.

Du reste, on est sous le charme de l’ambiance générale du jeu. Sa direction artistique y fait pour beaucoup, mélangeant avec soin pixel-art et dessin pur dans des tableaux souvent étonnants, elle va jusqu’à intégrer un visage digitalisé pour rompre avec les conventions et marquer le joueur au moment opportun. Le jeu s’offre également une sublime bande originale signée Thommaz Kauffmann (déjà à la composition sur Oniken et Moira) aux morceaux inoubliables qui collent parfaitement à chaque situation et qui par-dessus tout restent en tête une fois l’aventure terminée, ce qui est généralement bon signe. Terminons sur une note technique pour évoquer les petits plus de la version Switch que nous avons pu tester : l’utilisation parfaite des vibrations Rumble HD des manettes mais surtout, des contrôles tactiles qui répondent au poil, ajuster/glisser sur la partie droite de l’écran pour se déplacer, idem sur la gauche pour tirer tant et si bien qu’on en décroche les joy-cons de la machine pour jouer en 100% tactile !

Bon

S'il ne perd jamais de vue ses modestes ambitions, Dandara embarque assez de fantaisies pour captiver le joueur à la recherche d'innovation dans un genre définitivement à la mode ces dernières années. Avec un système de déplacements inédit qui fonctionne mais reste perfectible, une bonne dose de challenge, un monde qui se réinvente au fil des niveaux et une atmosphère sans dessus dessous unique, le jeu de Long Hat House fait ce qu'il faut pour nous tenir en haleine pendant les quelques heures de son aventure. Alors oui on aurait souhaité voir le rapport au folklore brésilien plus développé et pourquoi pas éclairci par ses créateurs, mais cette insatisfaction ne nous empêche pas d'apprécier le jeu et ce qu'il nous offre. Les heureux possesseurs de Switch profiteront en bonus du meilleur des deux mondes : une jouabilité à la fois agréable au stick en mode canapé et véritablement efficace lorsqu'on passe en contrôles tactiles, ce qui n'était pas gagné sur le papier. Muito obrigado.

Jeu testé sur Switch à partir d’une version fournie par l'éditeur. Plus d’informations sur notre politique de tests en suivant ce lien.

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