PlayStation 4

Test : Detroit: Become Human

5 ans après leur dernier jeu, Quantic Dream et son facétieux créateur David Cage reviennent sur le devant de la scène pour la sortie de leur nouveau titre: Detroit: Become Human. Si on entend le nom de la société française revenir souvent dans l’actualité de ces derniers mois, c’était surtout pour parler du scandale qui a ébranlé la firme. Cela est arrivé au pire moment possible, à quelques mois de la sortie de sa dernière production. Après avoir attiré les projecteurs mais pour de mauvaises raisons, le studio sort enfin son jeu, prêt à passer dans notre scanner de film interactif.  Nous avons décortiqué le successeur de Beyond Two Souls et Heavy Rain… afin de savoir ce que Detroit: Become Human a dans le ventre.

Après avoir exploré les univers du polar et du paranormal, le studio Quantic Dream s’attaque maintenant au genre de l’anticipation. Comme vous avez pu le voir à travers les différentes présentations du jeu, ce dernier prend place dans un futur proche, où les androïdes sont omniprésent dans nos vies. On nous dépeint ainsi un monde où une société du nom de Cyber Life est arrivée à créer des machines semblables en tout point aux humains qu’ils servent. Les apparences étant souvent trompeuses, le jeu explore les différentes facettes de cette réalité.

A la manière d’Heavy Rain, la narration de Detroit s’articule autour de 3 personnages androïdes: Markus, un humanoïde au service d’un artiste qui va voir ses croyances les plus profondes évoluer vis à vis des humains, Kara: un robot domestique qui sera amené à protéger une enfant, et pour finir Connor qui enquête sur des cas d’androïdes “déviants”. Si ces personnages et leurs arcs narratifs sont des archétypes bien connus, la narration fonctionne plutôt bien. Au travers des différents chapitres que comptent l’aventure, les personnages évoluent avec nos choix et une forme d’attachement à chacun d’eux prend forme. Pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui décideront de se lancer dans l’aventure après la lecture de ce test, nous ne dévoilerons rien de plus concernant l’intrigue.

Comme les précédents jeux Quantic Dream, Detroit: Become Human repose essentiellement sur deux composantes majeures en termes de gameplay : les QTE et les choix (même si les choix sont sous forme de QTE nous ferons ici la distinction). Ainsi, chaque chapitre aura plus ou moins la même structure, avec quelques différences selon le personnage. Vous évoluerez dans des environnements fermés et assez restreint, avec un objectif principal à remplir. Vous pourrez débloquer certaines actions, qui auront ou non un impact tout de suite ou dans les prochains chapitres. Pour être tout à fait franc, la majorité des QTE sont d’une platitude abyssale. On se contente le plus souvent de faire un mouvement avec le joystick pour servir du café ou ouvrir une porte. Si les scènes d’actions dynamisent le tout, cela n’apporte guère plus de challenge. D’ailleurs pour ceux qui souhaitent commencer l’aventure après la lecture de ce test, je vous recommande le mode de difficulté supérieur sinon le jeu perdra énormément d’intérêt.

En ce qui concerne les choix, ces derniers se révèlent être mieux intégrés que dans les précédents jeux du studio français. Comme nous l’avons aperçu durant la présentation du jeu à l’E3, l’arborescence du niveau avec tous les embranchements possibles apparaît une fois le niveau terminé. Cela permet de se rendre compte des possibilités et de ce qu’on aurait pu faire autrement. Mais cela à aussi un effet pervers. En effet, en y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’au final un grand nombre d’embranchements se rejoignent, et ce quel que soit votre choix. Pire, certains choix effectués ne sont pas vraiment pris en compte et le jeu vous ramène systématiquement dans la trame prévue par le scénario, quitte à rajouter une mini scène tant bien que mal pour essayer de recoller les morceaux de la narration. Cela se ressent manette en main, car vous êtes loin d’être libre dans Detroit: Become Human. Le jeu vous ramènera systématiquement dans la trame narrative prévu par David Cage, même si cela se fait au forcing par rapport à certains de vos choix.

Comme le dit très justement le streamer Benzaie: « C’est comme si David Cage vous prenait la manette des mains sans vous demander votre avis”. La liberté est minimale et votre impact sur le scénario ne fonctionnera qu’à la fin du jeu. Ainsi, à part quelques exceptions, tous les choix effectués durant les trois quarts du jeu n’auront aucun impact sur l’histoire. Dans ces conditions, la re-jouabilité s’avère assez restreinte, à part éventuellement pour débloquer de nouveaux embranchements, afin d’obtenir des points vous permettant de débloquer du contenu supplémentaire (artwork, making of etc.). Avec ses 15 heures de jeu (dont 5 heures de cinématiques mise bout à bout), on se pose encore la question de ce qu’apporte une nouvelle partie. Le jeu tombe dans l’écueil des titres à choix qui se contentent des dernières minutes de jeu pour vous donner la chance d’avoir un impact sur le scénario. Personnellement, la promesse du studio français n’est pas tenue en ce qui me concerne. J’attends toujours une production qui mettra en place un système de jeu (procédural peut être ?) permettant au joueur d’avoir un impact du début jusqu’à la fin de l’aventure.

Au-delà du fait de diriger la narration, le jeu limite lui-même votre progression au travers de son environnement. Ainsi, il vous est impossible de parcourir un niveau complètement par vos propres moyens. Le jeu s’empressera de vous bloquer avec des murs pas si invisible que cela, avec les indications à suivre sur votre objectif. On atteint là le pinacle du gameplay linéaire, ce qui fait tâche à l’époque des productions Open World. Les environnements sont assez restreints, souvent vides, avec peu de choses à faire. Autre point à signaler, vous pourrez à tout moment utilisez la touche R2 qui affichera vos objectifs, le temps imparti (si il y en a un) et les interactions possibles avec des objets. Au-delà du reproche de réutiliser une interface à la Ubisoft (Assassin’s creed, Watch Dog…) qu’on a beaucoup trop vu ces dernières années, le jeu ne met pas en avant l’exploration. Le joueur, qu’il le veuille ou non est tenu par la main pour la moindre chose. Par exemples, durant les phases d’enquêtes de Connor, l’interface vous signale combien d’indices au total il faut trouver. Ce procédé rend complètement inutile la réflexion et la recherche par le joueur.

Il est à signaler que les chapitres de Connor seront légèrement différents en termes de gameplay. A la manière de Batman Arkham Origin, l’android pourra effectuer les prélèvements, chercher des indices dans l’environnement ou sur les corps des victimes et ainsi reconstituer les événements grâce à son super processeur. Intéressant au début du jeu, cette boucle de gameplay devient vite répétitive. Pire, vous serez obligé de passer par certaines interactions pour trouver des objets cruciaux pour l’enquête (comme par exemples l’arme du crime). En l’occurrence, l’arme n’apparaît simplement pas si vous n’avez pas effectué les recherches exigées par le jeu (le jeu Blade Runner faisait mieux sur bien des aspects il y a plus de 20 ans déjà !). En plus d’être rigide, le jeu a la fâcheuse tendance de me donner l’impression de rejouer les phases d’enquêtes d’Heavy Rain, avec les mêmes décors, les mêmes mécaniques de gameplay… bref pour l’originalité on repassera.

Coté graphismes, Detroit: Become Human régale. La réalisation est au niveau de ce qu’on attend d’un triple A. Que ça soit les environnements, la modélisation des personnages (à quelques exceptions prêtes, comme pour les cheveux de l’inspecteur). Le jeu ne rame jamais et les performances sont au rendez-vous, ceci est au moins à mettre au crédit de Quantic Dream. J’ai trouvé l’ambiance sonore également très réussie. Le thème principal m’a fait penser à celui de WestWorld et les thèmes de chaque personnage collent bien à l’ambiance. C’est en grande partie grâce à la musique que se dégage une certaine poésie de quelques moments clés de l’aventure. Ces moments, même si trop rare, font preuve d’une certaine maîtrise, néanmoins nous sommes loin de ce qu’avait apporté un Last of Us au niveau de l’écriture (souvenez-vous de l’introduction du jeu). On touche ici au point névralgique de ce test concernant Detroit : Become Human.

L’écriture est très en deçà de ce qu’on est en droit d’attendre. Pour un créateur de jeu vidéo comme David Cage, qui se considère lui-même comme un véritable “auteur”, le résultat est assez médiocre. En reprenant des thématiques récurrentes de l’anticipation mais sans les développer ou apporter de la nouveauté, le jeu s’avère être une copie vidéo-ludique des œuvres de Philip K.Dick comme “Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?”, ou encore les livres d’Isaac Asimov. Les problématiques concernant l’intelligence artificielle, la conscience, le libre arbitre des machines ont été maintes fois traitées par de grands auteurs, avec une vision ou des propos particuliers et c’est bien ce qui manque à ce titre car elles sont ici seulement effleurées.

Pas de surprises ou d’élan d’inspiration ici, on se contente du service minimum. Un film interactif qui ne surprendra que ceux n’ayant jamais lu, vu ou entendu parler des problématiques soulevées par des auteurs -parmi ceux pré-cités dans ce test- il y a des dizaines d’années. En y réfléchissant bien, cela n’a rien d’étonnant vu la cible du produit. Le jeu à été conçu et « marketé » pour le plus grand nombre. Ainsi, à force de compromis, on se retrouve avec jeu sans saveur.

Moyen

En reprenant des éléments d’oeuvres cultes comme Blade Runner mais en moins inspirés et en nous limitant dans nos choix et nos actions, la production de Quantic Dream nous laisse souvent sur notre faim. Avec ses 15 heures de jeu et une rejouabilité quasi-nulle, le titre améliore tout de même la recette grâce à son système d'arborescence mais tombe rapidement dans les travers de ces prédécesseurs. A 70 euros neuf, le contenu du jeu paraît bien trop limité. Je reconnais la tentative de Quantic Dream d’améliorer une recette déjà bien rodée, mais cela manque de créativité dans l’écriture et dans la liberté laissée aux joueurs d’effectuer de véritables choix.

Jeu testé sur PlayStation 4 à partir d’une version fournie par l'éditeur. Plus d’informations sur notre politique de tests en suivant ce lien.

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