Xbox One

Test : Dishonored 2

Engaillardi par un Dishonored qui aura marqué les esprits a sa sortie il y a déjà quatre ans, Raphaël Colantonio a quitté sa France natale pour partir bronzer sous le soleil brulant du Texas, et accessoirement reprendre les rênes d’une licence Prey sous respirateur depuis bien trop longtemps. Dans les studios lyonnais d’Arkane, c’est Harvey Smith le bien nommé qui a repris le flambeau, à la tête d’une équipe motivée, mais dont la tâche allait s’avérer ardue : faire mieux que l’original. Mais alors qu’en est-il de ce second volet de Dishonored ? Après un premier aperçu extatique le mois dernier nous voilà maintenant au jour du jugement. Arrêtons là tout suspens inutile, Dishonored 2 est bien le digne successeur de l’enfant illégitime du couple Colantonio/Antonov. Pourtant loin de là l’envie de lui attribuer la meilleure note.

Car Dishonored 2 se trimballe un paquet de casseroles au cul qui l’empêchent d’être considéré comme le classique inclassable, le top du top, le very parfait, bien au contraire. Mais disséquons ce petit bijou dans les règles de l’art, car il y a matière en discuter, à commencer par son propos. En bonne suite qu’il est, Dishonored 2 nous fait renouer avec Dunwall, ses rues pavées, ses portails foudroyants et surtout son impératrice Emily Kaldwin, gamine chétive a bien grandie, on l’appelle désormais mademoiselle. Que les aficionados de l’assassin en chef se rassurent, le père d’Emily sera lui aussi de la partie et même jouable, mais nous allons-y revenir. Le scénario du jeu nous est introduit finalement assez simplement, une tantine éloignée (Delilah Kaldwin) débarque dans la salle du trône avec une escouade de soldats mécaniques et destitue dans la foulée la jeune souveraine.

Vous devrez donc dans un premier temps vous exiler dans le Sud sur l’île de Serkonos pour vous refaire une santé, assassiner tranquillement tous ceux qui ont fomenté le coup d’état avec votre tante puis revenir à Dunwall pour reconquérir votre trône. Dishonored 2 s’articule donc autour d’un certain nombre de missions dans la baie de Karnaca, une ville qui a su prospérer sur le dos des mineurs d’argent, loin du regard de l’impératrice. Ses districts, son architecture, sa population sont bien différent du Dunwall de Dishonored premier du nom. Les enjeux politiques sur place ne sont que petites luttes de pouvoirs mesquines entre riches aristocrates se battant pour la valeur minière de l’ile. En jeu cela se traduit par des missions à l’intérieur de gigantesques bâtisses plantées comme des joyaux au milieu de quartiers populaires défavorisés très ouverts.

Et ça tombe bien parce que c’est ce que l’on adore dans Dishonored, déambuler de toit en toit, utiliser nos pouvoirs pour nous mouvoir à l’ombre des gardes, chipant à droite à gauche quelques bourses bien remplies avant d’aller trancher quelques gorges, au nom de l’empire bien sûr ! Le gameplay de ce second épisode n’a pas beaucoup bougé, on est toujours dans un FPS très branché infiltration qui s’affranchit de presque toutes les barrières, vous laissant la liberté d’atteindre votre objectif comme vous le souhaitez. Comme précédemment, Emily (ou Corvo) pourra également accomplir des missions secondaires dans chaque niveau. Enfin, la progression de votre avatar s’effectuera encore une fois à l’aide des runes et charmes d’os qui débloqueront respectivement pouvoirs et bonus de compétences. Il serait pourtant bien mal venu de qualifier ce nouveau Dishonored d’épisode 1.5 tant Arkane s’est bel et bien dépassé.

Le studio amoureux du level design mitonné aux petits oignons fait ici des miracles, gommant la linéarité des niveaux du premier jeu et transformant chaque mission en un monde quasi ouvert composé le plus souvent d’une ou deux grandes zones de grimpette en ville, suivies d’une villa/maison/palais fermée dans lequel l’infiltration sera de mise. Là où Arkane fait fort, c’est lorsque le studio arrive à vous faire aimer d’un amour véritable et profond un monde ouvert alors que vous êtes parfaitement allergique au genre. Mais quelle est donc leur recette ? Truffer ces hubs aérés juste ce qu’il faut de challenges malins tous différents et tous prenants. Par exemple, pour terminer les missions secondaires proposées (toutes extrêmement bien construites), vous devrez vous creuser la tête pour entrer dans des zones vraiment bien gardées et y accomplir des objectifs assez tendus. Idem pour dénicher les runes et charmes qui seront souvent entourés de mystère et qui feront appel à tous vos sens.

Et ce n’est encore que la partie ouverte du jeu. Une fois arrivé dans les appartements de la cible à assassiner, Dishonored 2 se transforme en un petit laboratoire qui expérimente une idée de gameplay géniale à chaque nouvelle mission. L’architecture a de quoi retourner le cerveau, tant elle semble organique, logique, réaliste. On passe aisément des heures à fouiller chaque pièce, chaque recoin et à s’émerveiller devant le boulot des designers du jeu, mais pas que. Il faut également rendre hommage aux artistes et directeurs artistiques qui ont fait un travail extraordinaire, faisant de Karnaca une ville crédible. Serkonos est en effet sensé être une ville ou se sont épanouis luxe et raffinement, preuve en est le mobilier, des drapés, la vaisselle et les peintures que l’on trouve dans les appartements visités.

Tout un milieu artistique riche et foisonnant merveilleusement dépeint par les artistes d’Arkane et qui en dit plus long sur la ville et ses habitants que bien des écrits. Le jeu ne sera pourtant pas avare en lecture pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur son histoire, via de nombreux ouvrages et lettres disposées ici et là. Bref, rarement un jeu vidéo aura aussi bien mis son environnement à l’honneur. Et le gameplay dans tout ça ? Il varie selon les deux personnages jouables. Corvo, le maître assassin est désormais un classique de l’infiltration et change relativement peu bien qu’il soit toujours aussi efficace grâce à son Clignement (téléportation). La véritable nouveauté de ce 2 c’est la vive Emily qui se trouve recevoir à son tour la marque de l’Outsider, ce qui lui permet de disposer de pouvoirs grisants comme par exemple Longue Portée (un Clignement qui peut aussi attraper des ennemis, juste indispensable) ou le redoutable Domino qui permet de lier le sort de plusieurs ennemis ensemble.

Les possibilités offertes sont donc démultipliées et le jeu encourage la furtivité à chaque instant. Amateur d’action pure et dure, passez votre chemin, car si le caviar se déguste frais, Dishonored 2 lui se fait apprécier par son pendant infiltration. Les combats restent brouillons et somme toute peu intéressants. Surtout que la nouvelle intelligence artificielle du jeu est plutôt piquante et peut être imprévisible par moment. La planification est donc de rigueur et on préfèrera fondre tel un guépard sur un ennemi qui s’est un peu éloigné du troupeau plutôt que de foncer bêtement dans le tas. Je vous le disais en introduction, Dishonored 2 aurait pu être parfait. Oui, mais c’était sans compter des errances dans la technique qui viennent modifier l’expérience de jeu jusqu’à parfois dénaturer toute la tambouille faite de level design et de gameplay qui donne au jeu sa saveur inoubliable.

Sur PC, le jeu oscille entre 40 et 100 images par seconde sur les plus grosses configurations du marché, selon que l’on soit en extérieur ou en intérieur. A cette variance énorme vient s’ajouter un coefficient de vitesse du curseur de la souris proportionnel au framerate, ce qui provoque des comportements étranges en jeu. La version console quant à elle arrive péniblement à 30 images par seconde (le plus souvent on culmine à peine à plus de 25) et ce chiffre descend à 10-15 dès que l’on est en combat rapproché. On passe donc forcément notre temps en infiltration totale pour éviter de devoir recharger une sauvegarde rapide toutes les 3 minutes. Sur PC comme sur consoles, on note également quelques imprécisions dans l’alignement des textures, des bugs de collision nous faisant passer de temps en temps sous le décor et un antialiasing temporel qui floute l’image à 3 mètres de soi.

C’est triste, car lorsque l’on est confronté à l’un de ces problèmes, cela casse immédiatement l’expérience de jeu, aussi passionnante soit-elle… Malgré une optimisation technique à revoir de fond en comble, la tornade Dishonored 2 embarque tout sur son passage ! On aurait pu vous parler encore et encore du jeu, de ses grands méchants tous charismatiques aux simples troufions qu’on écoute parler de la pluie et du beau temps avec leurs collègues dans une version française plutôt correcte, des plans d’améliorations d’armes vraiment utiles à la progression générale du héros qui se fait tout en fluidité, de sa bande originale magnifiant les clavecins et les violes de gambe de l’original par petites touches, il y a tant à dire sur Dishonored 2 mais voilà maintenant arrivée l’heure de la conclusion.

Très bon Obligé !

Cette année 2016 nous avait déjà apporté son lot de jeux de grande qualité, mais on a encore passé un gap aujourd'hui. Dishonored 2 sait faire pardonner ses écueils techniques tant la géniale création d'Arkane a à offrir au joueur avide d'infiltration maîtrisée. Habité par une direction artistique élégante doublée d'une architecture passionnante à observer qui impose le respect à tout amateur de superstructures, mis en mouvement par un level design d'exception, véritable invitation à l'aventure comme seul le studio lyonnais sait le faire, Dishonored 2 est à élever au rang des grands jeux vidéo, ceux dont on ne ressort pas indemne, qui nous apportent quelque chose. Bravo, tout simplement bravo.

Jeu testé sur Xbox One à partir d’une version fournie par l'éditeur. Plus d’informations sur notre politique de tests en suivant ce lien.

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