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Test : Fear Effect Sedna

Qui se souvient de Fear Effect ? Non, mais sérieusement hein. Les deux épisodes sortis sur PlayStation première du nom n’ont fait qu’un passage éclair dans notre vie de joueurs. A une époque où Resident Evil régnait en maître de la flippe sur le tourne-galette de Sony, la franchise d’Eidos se contentait de singer l’existant : angles de caméras fixes, monstres effrayants, puzzles tordus et électrocardiogramme en guise de barre de vie. Seule la direction artistique des cinématiques en cel-shading apportait un peu d’originalité dans cette copie carbone du ténor japonais. Des jeux jugés donc moyens autant par la critique que par les joueurs. Aussi avons-nous été interloqués de voir Square Enix jouer les fossoyeurs en demandant à des développeurs indépendants de leur pitcher une suite à la licence. Et à la surprise générale, les Bretons de Sushee dégotèrent le droit d’accoucher de deux projets autour Fear Effect, dont un épisode original soutenus par un Kickstarter et le Square Enix Collective.

Un an plus tard sortait une démo du jeu et il faut bien dire qu’elle a refroidi les ardeurs des plus fervents fans. Pointée du doigt par de nombreux joueurs dont votre curieux serviteur, elle fut jugée mollassonne et peu représentative de la vision des développeurs, nous faisant surtout dire qu’il y restait encore pas mal de boulot à faire pour rendre le jeu agréable. Et nous voilà donc un an après ce premier aperçu, Fear Effect Sedna est de sortie et il est temps de voir si les français tiennent leurs promesses. Surtout que Sedna tranche avec l’esprit Fear Effect : la 3e personne laisse la place à une vue 3D isométrique et l’action se veut désormais stratégique et infiltrée, le jeu disposant d’une pause active pour contrôler les compagnons d’Hana. Pour le reste, Sushee reprend les codes du jeu à savoir une histoire forte qui se déroule dans des cinématiques cel-shadées, une certaine difficulté et des puzzles retors.

L’histoire justement fait référence aux fondamentaux de la série, le jeu se déroulant quelques années après l’original. On y retrouve Hana, sa copine Rain, Glas, Deke et aussi un petit nouveau, Alex, agent de la DGSE rencontré à Paris, oui oui !. La joyeuse bande se retrouvera bientôt aux prises avec une secte occulte Inuit, entre mythes, légendes et réalité. L’occasion pour les développeurs de nous faire voyager. Sans vous en dévoiler plus, le jeu est réellement surprenant sur ce point. Globalement, Sushee maîtrise son sujet, le scénario est bien écrit (pour de la série B) et bien raconté dans les très nombreuses cinématiques et phases de dialogues entièrement doublés en anglais. La direction artistique est elle aussi une réussite, le look dessiné à la main des personnages nous fait oublier les têtes anguleuses des modèles 3D d’époque PS1, les environnements sont eux aussi détaillés et de qualité.

C’est bien beau tout ça, mais on n’a pas payé une place de ciné pour voir un film d’animation alors qu’en est-il du jeu ? Et bien c’est là que ça se gâte. Comme je le disais, le jeu délaisse l’action à la 3e personne pour nous permettre de gérer tout le groupe. La volonté de Sushee est de proposer une vue stratégique qui permet de donner des ordres à chacun des héros jouables pour par exemple synchroniser un assassinat discret de 2 gardes ou encore utiliser les compétences de chacun à bon escient lors d’un combat contre un groupe d’ennemis. Dans la pratique, on se passe de cette fonctionnalité 95% du temps, car elle n’est pas du tout intuitive et surtout totalement inutile, il suffit de foncer dans le tas en tirant pour se sortir de presque toutes les situations. Au pire, on intercale un membre du groupe pour qu’il serve de bouclier ou qu’il prenne l’aggro et nous laisse dézinguer nos adversaires sans prendre trop de dégâts.

Inutile également de soigner les IAs alliées, elles reviennent à la vie après chaque rixe. Le gros du jeu se résume donc à du bourrinage en règle. Malheureusement, Fear Effect Sedna n’offre aucune sensation d’impact, peu importe l’arme utilisée. A cette frustration s’ajoute le fait qu’un choix de design douteux dans le système de lock va nous obliger à tirer sur la cible la plus proche du héros contrôlé, ainsi si un boss fait pop des minions plus rapides que lui (comme c’est le cas à Nuuk, l’un des pires niveaux du jeu), on devra jouer des roulades pendant de longues minutes pour locker le boss au lieu de ses sbires qui ne servent à rien et reviennent en boucle… De manière générale, les boss sont ratés : des sacs à PV sans saveur à ceux qui trichent avec leur allonge de 15m alors qu’ils ont des bras de 50cm, ils n’offrent qu’une raison de plus au joueur d’arrêter là l’aventure.

Et lorsqu’on ne se bat pas contre ses phases d’action, on essaye tant bien que mal de trouver du plaisir dans la partie infiltration du titre. Lorsqu’on s’accroupit, Sedna nous montre les cônes de vision des ennemis. Tout le sel de l’infiltration consistera donc à passer entre les mailles du filet et d’assassiner discrètement un soldat ou monstre au moment opportun. Ici encore, l’IA n’est pas du tout calibrée pour ces séquences, restant par défaut debout en toute circonstance et se mettant la plupart du temps en plein dans les trajectoires des ennemis. Heureusement, on peut signifier à nos PNJs de rester en arrière, ce qui nous permet d’avancer en solo parfois pendant un niveau entier pour éviter le game over stupide. On termine sur la partie action en parlant de la vue isométrique ultra-tolérante puisqu’elle permet tout de même de fumer des monstres à travers des murs invisibles et des immeubles… no comment.

En ce qui concerne l’aspect puzzle inhérent à Fear Effect, on retrouve ici des énigmes aux solutions capillotractées qui impliquent de bien regarder l’environnement pour y dénicher des indices. La difficulté est toutefois mal dosée avec certains cheminements pas vraiment évidents à comprendre et on enchaîne les game over (et leurs trop longues cinématiques) en boucle avant de solutionner le problème. D’autres fois, à la vue d’un casse-tête qu’on devine environnemental on s’attend à une astuce maline demandant de splitter l’équipe en deux, mais en fait non le jeu n’a jamais cette ambition et se contente bêtement de la ligne droite. Dommage. Enfin, le concept de peur bien relatif (lors des phases d’action, l’électrocardiogramme s’emballe et on tape plus fort tout en prenant plus de dégâts) n’est jamais ressenti en cours de partie et soyons francs, il est de toute manière un peu démodé en 2018.

Mauvais

Après un troisième épisode avorté avant la fin de son développement en 2003, Fear Effect semble à nouveau souffrir d'une mystérieuse malédiction qui pour le coup aurait pu faire un bon point de départ scénaristique. Sedna n’intéressera ni les fans qui attendaient une suite à cette licence oubliée, ni les nouveaux venus attirés par la curiosité. A vouloir multiplier les propositions de gameplay non abouties, Sushee s'est clairement emmêlé les pinceaux. Plombé par une IA qui fait n'importe quoi dans des combats sans saveur à la dimension stratégique inexistante, des ennemis punitifs et des puzzles à la difficulté en dent-de-scie, le titre ne fait pas grand-chose pour nous donner envie d'aller jusqu'au bout de ce qu'il propose. Il en reste néanmoins une chouette histoire inspirée de la vague des jeux et films d'horreur des années 90, une direction artistique soignée et des cinématiques bien réalisées, mais cela ne suffit pas à combler des lacunes de design qu'on imagine difficilement corrigeables tant la tâche semble être ardue.

Jeu testé sur Switch à partir d’une version fournie par l'éditeur. Plus d’informations sur notre politique de tests en suivant ce lien.

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