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Test : Forgotton Anne

Le brainstorming autour du premier projet solo de Throughline Games est à l’image de toute sa phase de développement, minutieux et jusqu’au-boutiste. Les danois auront pris en tout une année pour mettre à plat leur concept et le peaufiner, une phase de préproduction assez longue pour un jeu indépendant, mais finalement nécessaire à l’image de tout le travail effectué sur le jeu. Le directeur du studio avoue que c’était une période pendant laquelle il se cherchait après de longues études dans des écoles de cinéma. Quatre ans plus tard passés dans un petit studio de 20m², Forgotton Anne s’apprête à sortir après s’être montré un peu partout dans le monde et on a longtemps résisté à l’envie d’y jouer ici et là pour ne pas nous gâcher le plaisir de la découverte. C’est donc avec une certaine fébrilité qu’on a réalisé ce test, croisant des doigts pour que le nouveau-né de la petite équipe D’Alfred Nguyen ne soit pas un pétard mouillé. Huit heures plus tard, ouf on est rassurés !

Pas vraiment point & click, pas vraiment plateformer, Forgotton Anne est un jeu d’aventure original dans son gameplay, mais pas seulement. Commençons donc par évoquer son propos pour le moins rafraichissant qui fait référence aux objets oubliés, de la chaussette solitaire perdue sous le lit à la vieille télévision cathodique laissée sur le trottoir pour les encombrants, en passant par le vestige de pompe a essence à l’arrêt depuis la fermeture de la station. Toutes ces choses qui disparaissent de notre quotidien trouvent une deuxième vie en tant qu’Oublions dans le monde d’en dessous. Ils y débarquent par dizaines chaque jour et c’est au responsable des lieux, maître Bonku et sa fidèle Executrice Anne, les deux seuls humains présents en ces terres oubliées de gérer ce bazar. Après des années de recherche, Bonku a élaboré les plans d’un portail menant au monde réel, l’Ether et fait construire par les Oublions ce « pont d’Ether » qui permettra ils l’espèrent tous de revoir leur bien aimé propriétaire. Mais tout ne va pas se passer comme prévu.

Un groupe d’Oublions rebelles sabote les installations de Bonku et empêche l’Anima, le flux qui donne vie aux objets, d’affluer jusqu’au chantier du pont d’Ether. Anne est donc mandatée par Bonku pour prendre les choses en main, mater la rébellion et rétablir l’ordre. Un scénario tout en rebondissements qui ne dévoilera pas ses ficelles dès le début et qui réserve de bonnes surprises aux joueurs, tout en délivrant une morale sur l’obsolescence programmée inédite dans le jeu vidéo. L’héroïne croisera sur sa route une foule de personnages secondaires : le chef charismatique des rebelles Fig, le drôlissime duo de flics gaffeurs Magnum et Amp, l’adorable Blanket et bien d’autres encore. Et ce ne seront pas que des seconds rôles, ils ont tous leur personnalité, leur design propre, ce qui confère une profondeur incroyable au jeu. Mieux, Anne aura pouvoir de vie et de mort sur la plupart des Oublions qu’elle rencontrera et aura a faire des choix qui façonneront l’histoire, ses embranchements et ses dialogues.

Et au-delà de ça, on ne peut difficilement pas tomber sous le charme du jeu dès les premières minutes de cinématique. Des séquences en close-up saisissantes aux animations de madame l’Exécutrice, tout est un travail d’orfèvre. Les artistes se sont surpassés jusqu’à intégrer de subtils détails partout dans le jeu, des différents parallaxes sur chaque plan aux petites actions contextuelles comme le simple fait de pouvoir s’assoir dans un wagon ou de voir Anne nettoyer sa robe de temps en temps, c’est tout simplement de la magie pour les amateurs de dessins animés. L’éclairage a aussi une grande importance dans le jeu et il n’est pas rare de voir les artistes s’amuser avec le décor, jouant sur les plans larges et rapprochés, faisant passer Anne en arrière-plan pour rajouter de l’intensité ou juste une touche artistique particulière à certaines scènes. Ce tour de force ne s’arrête pas à l’héroïne, les Oublions ont eux aussi eu droit à de sacrés coups de crayon : ils semblent tous uniques et surtout on les imagine parfaitement appartenir à cet univers.

L’autre pièce maitresse de Forgotton Anne, c’est le boulot effectué sur le son. La musique tout d’abord, composée par Peter Due et sublimée par l’Orchestre Symphonique de Copenhague est tout bonnement l’une des meilleures bandes originales de l’année. On a des frissons dès les premiers violons lors de l’apparition du logotitre et jusqu’à sa toute fin. Tous ses thèmes parlent au joueur d’une manière une d’une autre, ils accompagnent avec justesse les images et les textes à l’écran. Et ces dialogues méritaient des voix de qualité. Qu’à cela ne tienne, Throughline Games a bénéficié un doublage d’exception via un casting 5 étoiles qui donne corps aux personnages avec une force rare qu’on aimerait voir plus souvent dans le jeu vidéo. Un déluge de talents au service d’un jeu à mi-chemin entre l’aventure traditionnelle et la plateforme. La plupart du temps, le challenge viendra de puzzles demandant d’acheminer l’Anima dans des conduits en ouvrant des vannes pour déverrouiller des portes ou déclencher des machineries.

A une seule occasion, le jeu propose une partie plateforme pure qui est hélas ratée, la faute à des animations de personnage trop longues qui ne se cassent pas lorsqu’on exécute un autre mouvement. Aussi le millimétrage demandé par l’action aura de quoi faire hurler, surtout lorsqu’on en est à notre dixième tentative de saut, mais c’est la petite demi-heure calvaire du jeu. Tout le reste du temps, Forgotton Anne est juste avec le joueur, car son gameplay est basé sur l’activation de leviers et interrupteurs sans contrainte de temps. Il est aussi à noter que techniquement parlant, la caméra nous a fait quelques frayeurs sur la toute fin du jeu et on a du recommencer au dernier checkpoint après que notre Anne se soit retrouvée par erreur « en dessous » de la zone de jeu. Mais ce problème reste marginal et nous n’avons pas été gênés outre mesure, le titre n’étant pas avare en points de sauvegarde automatique.

Bon Obligé !

Le moins qu'on puisse dire c'est que Forgotton Anne ne nous a pas décus. Si l'on n’avait aucun doute sur les capacités artistiques du studio, on était loin de se douter que tout le travail avait été fait sur les détails qui pullulent partout dans le jeu. Et puis entre son scénario inédit et sa panoplie de personnages hauts en couleur, il y a clairement de quoi développer un univers à part entière. Aussi on rêve maintenant de voir tout ce petit monde porté sur le petit écran. Forgotton Anne est un ravissement pour l'esprit, pour les yeux, mais également pour les oreilles avec un Peter Due au sommet de son art et un doublage comme on en écoute rarement dans un jeu vidéo. Et malgré une petite phase de plateforme un peu pénible, il mérite vos deniers, ne serait-ce que pour sa dizaine d'heures de voyage en pays imaginaire.

Jeu testé sur PC à partir d’une version fournie par l'éditeur. Plus d’informations sur notre politique de tests en suivant ce lien.

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