PlayStation 4

Test : Ghost of Tsushima

Il est déjà sur nos consoles, le jeu qui vient marquer le glas de la PlayStation 4. Alors que le monde du jeu vidéo se focalise sur l’arrivée prochaine de la « next-gen », prenons une minute pour se rendre compte que Ghost of Tsushima est le dernier jeu majeur à débarquer sur cette console. D’ici peu, tout ceci sera effacé, les standards que nous connaissons seront balayés et avec eux, ceux proposés par le jeu de Sucker Punch. Alors que les jeux de fin de console sont généralement les plus aboutis, qu’en est-il de ce dernier ?

Le jeu nous fait vivre le destin d’un homme : Jin Sakai à la veille de l’invasion mongole sur l’Île de Tsushima en 1274. Au cours d’une bataille, Jin est laissé pour mort, tandis que ses frères d’armes se font massacrer. Ce n’est toutefois pas le cas de son oncle, le seigneur Shimura, qui a été fait prisonnier. Votre quête commence à votre réveil, alors qu’une voleuse; Yuna, a panser vos blessures. Vous voilà donc seul, face à une invasion ennemi sur votre territoire.

L’ambiance et le scénario, très graves au demeurant, sont adaptés des faits historiques. De 1274 à 1281, des opérations militaires majeures sont conduites par Koubilaï Khan pour conquérir l’archipel japonais. Elles sont, je cite “ce que le Japon a connu de plus proche d’une invasion, et elle fut le théâtre de la première utilisation du mot Kamikazé litt. « vent divin », qui désigne en japonais le typhon qui aurait sauvé l’archipel lors des invasions mongoles au Japon”. Si l’aspect historique est assez intéressant et s’éloigne de la formule Assassin”s Creed (nous reviendrons la dessus), il est à noter que le jeu prend aussi des libertés énorme de ce coté la. On appréciera cependant le traitement, plus fidèle, d’une population qui vit une invasion, et ses conséquences.

La progression se fait naturellement et il est a noté que le jeu n’a presque pas de HUD. En effet, il vous suffira de sélectionner un endroit sur la carte et de suivre le vent pour atteindre votre destination. C’est surement l’une des meilleurs idées du jeu, ambiance minimaliste. Si vous ajoutés à cela les animaux qui vous guide jusqu’à certains endroits secrets, cela apporte une véritable fraîcheur en terme de mécanique de gameplay. Autre nouveauté appréciable; les haïkus: ces poèmes japonais en 3 vers de 5 7 5 syllabes. Dans le jeu, lorsque vous trouverez un des lieux spéciaux, vous aurez plusieurs options proposées en regardant le paysage afin de composer votre haïku et de recevoir un bandeau lié à la thématique. Très spirituel, on apprécie l’idée des développeurs.

L’écriture quant à elle est assez convenable même si les ficelles scénaristiques font la taille d’une corde d’amarrage. En effet, tout le principe du jeu sera de vous faire ressentir la monté en puissance de Jin, qui passe de noble samouraï, au fantôme de Tsushima, assassinant les envahisseurs dans l’ombre. Cela entraîne chez lui un conflit moral, de part son éducation militaire (on ne tue pas dans le dos, ça se fait pas c’est tout, même en temps de guerre). Cela aurait pu être nettement plus intéressant si notre manière de jouer avait influencé le scénario, mais le jeu est lancé sur les rails de sa propre narration et vous n’en serez que l’exécutant. Du coup, les rebondissements scénaristiques se grillent à des kilomètres et le jeu ne surprend pas. Cette sensation atteint son paroxysme lorsque le jeu vous oblige à revenir dans la zone de la quête que vous suivez, et ce même si vous n’avez dévié que de quelques mètres. L’affichage en gros sur l’écran vous imposant dans la zone de jeu avec le compteur est extrêmement frustrant, surtout pour un jeu de 2020. Au cours de ma partie, j’ai du recommencer une quête car je cherchais à isoler un ennemi du groupe; c’est vous dire.

Au début de ce test j’évoquais Assassin’s Creed, c’est le moment de faire la comparaison ce jeu. Car oui, Ghost of Tsushima ressemble sur bien des aspects à AC. La narration, l’environnement ouvert, les phases de plateforme, les merdes à récupérer partout. On a ici l’offre « salade/tomate/oignon » du monde ouvert. Vous aurez donc une carte assez grande, découpée en 3 zones représentant les 3 actes du jeu.  Vous aurez donc les quêtes principales, présentées sous la forme de “récits”. Chaque personnage ou passage marquant du jeu aura son récit, divisé en plusieurs quêtes (parfois dénué d’intérêt ou juste en trop). En terme de quêtes secondaires, vous aurez également de quoi faire niveau quêtes fedex. Vous commencerez donc par explorer par vous même le premier secteur. Vous tomberez rapidement sur un camp mongol, qui une fois débarrassé de ses occupant se transformera en comptoir japonais, vous dévoilant les alentours. Je ne vais vous mentir, si cela est marrant au début, cela devient très vite répétitif. Tout comme Days gone, toutes les camps ont la même structure et on tourne vite en rond de ce côté là.

Heureusement que le gameplay manette en main donne de bonnes sensations. Les combats au katana sont intenses et assez dynamiques. Compliqué au début, on apprend dans la douleur. Le gameplay est assez similaire à ce qu’on avait dans un The witcher 3. Carré coup rapide, triangle coup fort, avec la possibilité d’apprendre de nouveaux coups. Avec de l’entrainement, les contres se font plus rapidement avec le bon timing, ainsi que le bon équipement, vous parviendrez vite à surmonter des vagues d’ennemis. Précisons d’ailleurs que le mode “Kurosawa”, nom du célèbre réalisateur japonais; qui permet de jouer en noir et blanc avec l’effet de pellicule vieilli, m’a conquis. La plupart des joueurs passeront à côté, mais en ce qui me concerne, j’ai eu la sensation d’incarner véritablement l’un des 7 samouraïs… grandiose de ce point vu. Sachez que vous pouvez aussi choisir de vous la jouer discret -et de jouer au lâche mais bon cela vous regarde- si le coeur vous en dit.

Dans les 2 cas vous remarquerez très rapidement le niveau abyssal de l’intelligence artificielle. Les ennemis ne vous entendent pas trucider leur copain alors qu’il sont à 5 mètres, vos compagnons font n’importe quoi, passent devant les yeux des ennemies sans que ces derniers ne les voient (nul multiplié par nul ça s’annule remarque), mais sans ça les séances d’infiltration seraient injouables. De plus, les ennemis sont bas de plafond et foncent dans le tas, enchaînent les même patterns en boucle, se bloquent, ne réagissent pas. Mais ce n’est pas tout, car l’autre gros point noir en combat c’est la caméra. On pensait avoir réglé ce problème depuis les années 2000, mais non. Étant donné qu’il n’y a pas de verrouillage ou de contrôle automatique, c’est à vous de la gérer entièrement.  Le parti pris « old school » est intéressant, mais il est vrai que lorsqu’on est assailli d’ennemis, ou qu’on se bat dans des espaces clos, cela devient plus compliqué. Cependant, contrairement à ce que j’ai pu lire à droite à gauche, cela n’est pas plus handicapant que ça, au pire gênant par moment.

C’est d’autant plus dommage car les séances d’action ne manquent pas de panache. Le gameplay propose une variété d’actions assez appréciable. L’infiltration dispose d’armes silencieuses, tel que l’arc, le carillon pour faire diversion, les explosion de fumé vous permettant d’assassiner directement avec votre arme de prédilection : le tanto (nda: la Belgique, magnifique). L’approche frontale quant à elle, plus respectueuse des traditions du bushido,  vous laisse le choix entre l’utilisation de votre Katana, de bombes collantes ou explosives, de kunais…

Au fur et à mesure de l’aventure, l’expérience s’accumule et les possibilités offertes également. Vous obtiendrez ainsi de l’expérience à chaque combat, et des points de technique à chaque palier vous permettant d’améliorer plusieurs choses. 2 arbre de compétences : déflexion et esquive. De plus Lorsque vous tuez  ou observez des chefs mongols, vous avancerez un peu plus vers la prochaine posture. Il existe 4 postures différentes selon le type d’ennemi (normal, possédant un bouclier, une lance ou encore les brutes) qu’il faudra adapter durant les combats. Chaque posture dispose de 4 améliorations pour augmenter vos chances en combat; déblocable avec des points de compétence. Au delà de vos compétences, il sera essentiel d’augmenter votre équipement. Ici pas de loot à la Assassin’s creed. Votre équipement n’a pas de durabilité, et vous ne looterez pas de nouvelle armure. Une fois les quêtes effectuées pour récupérer une armure spéciale (7 au total + 3 liées à l’histoire), libre à vous d’améliorer un tenue en échange de matériaux chez l’artisan. C’est aussi une des autres composantes du jeu, vous récolterez différentes ressources vous permettant d’améliorer votre équipement. C’est long et répétitif, mais le meilleur moyen reste encore de faire les quêtes et de rester le doigt appuyer sur R2 pour tout récupérer. Tous ces éléments participent à la montée en puissance grandiose de votre personnage, jusqu’au milieu du jeu où vous débloquerez le mode ghost vous permettant de one shot vos ennemis d’un coup après avoir enchaîné des “combos” sans être touché.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Ghost of Tsushima n’est pas avare en contenu. C’est limite trop au vu de tout ce qui est ici proposé. En sus des quêtes principales et secondaires nous avons : les récits mythiques (afin d’apprendre de nouvelles techniques), les haïkus (pour récupérer des bandeaux), les sources chaudes à trouver (afin d’augmenter la santé), les temples shintô (obtention de charmes), les bambous d’entraînements, les autels secrets, les criquets, les artefacts mongols… J’ai fait le calcul, cela fait plus de 400 objets ou lieux à trouver ! On est sur du niveau Spider-man ++. J’en profite donc pour faire passer un message à nos amis game designer: faites dans le minimalisme au lieu de rallonger la durée de vie artificiellement. D’ailleurs sachez qu’il vous faudra entre 30 et 40 heures pour venir à bout de la quête principale, et le double pour finir l’ensemble des quêtes.

Le jeu tente également de masquer à tout prix le manque de vie dans votre univers et c’est le fond du problème, mis à part les bandits et les troupes mongoles que le jeu nous met sur notre chemin, le jeu manque cruellement de vie. Il y a bien les personnages en ville, mais on sent tellement le côté « programmé » de leurs actions que cela casse légèrement l’immersion. Comme je le disais dans mon test sur Red Dead Redemption 2, il y a aura un avant et un après. Ainsi, comme avec le jeu de Rockstar, il y a plusieurs points qui nous font tiquer (toute proportion gardée bien entendu) comme la cohérence des transitions des paysages qui fait clairement datée, le fait de ramasser à la volée des objets sans les toucher vraiment, les fast travel (bon ok moi j’aime bien ça fait gagner du temps); la gestion du cheval et bien d’autre points encore. Autre point à signaler concernant l’exploration, la topographie : je m’explique. Le territoire est fichu de tel manière qu’Il n’est pas rare de devoir faire un détour pour escalader une montagne ou atteindre un repère. En plus de cela certaines phases de  gameplay, comme l’escalade, peuvent devenir un brin pénible. Néanmoins ne vous y trompez pas, ce jeu dégage une telle atmosphère qu’on passe vite outre certains défauts. On prend plaisir à se perdre dans le rizières, les villages et affronter les envahisseurs. Il y a toujours un objectif qui nous pousse à prolonger notre exploration et à s’attarder toujours plus dans cet univers.

Parlons technique si vous le voulez bien, car si il y a bien un aspect du jeu qui ne déçoit pas c’est les graphismes. Le jeu nous en envoie pleins les mirettes. Les effets de particules sont saisissantes, et lorsque vous débarquez dans une forêt couleur automne, vous vous arrêterez pour profiter du moment. Cela arrive d’ailleurs souvent tant les environnement sont variés et vous invite naturellement à la contemplation. Le cycle jour/nuit ainsi que les changements météo aident grandement à l’immersion et vous serez surpris de voir la météo changer au cours de vos voyages.  Les paysages sont saisissant, à tel point qu’on se perd dans le mode photo (car oui, il y a un mode photo). Devenue une option indispensable, cette dernière restera dans les annales car elle est extrêmement complète. A vous les joies de jouer les touristes en haut des temples shintô (heureusement, il n’a pas de mode selfie). Je vous propose d’ailleurs en bonus à la fin de ce test mes captures d’écran réalisées directement depuis le mode photo (#nofilter).

Les qualités techniques ne font en rien ralentir le jeu, qui n’a jamais connu de chute de framerate sur ma PlayStation 4 fat. Les temps de chargement sont très courts et ne cassent pas le rythme du jeu. Coté bug par contre ça pique légèrement surtout au niveau des surfaces. Il n’est pas rare de voir des personnages en suspension ou passer à travers des marches par exemple. Niveau bande originale, nous avons Ilan Eshkeri et Shigeru Umebayashi comme compositeurs de cette O.S.T. En jeu cette dernière se fait discrète, ne prend pas le pas sur la narration mais elle n’en reste pas moins d’une grande justesse. A noter que Ghost of Tsushima est également doublé en français et que cette version est de qualité (même vous vous en doutez, j’ai pour ma part choisi la version japonaise).

Bon
Au final, que retenir de ce dernier gros jeu de la PS4 ? Tout d’abord, Ghost of Tsushima marque l'apogée de la maîtrise de la machine (par un éditeur tiers devenu first party, sinon Naughty dog remporte la mise). D’ailleurs, à l’heure ou j’écris ces lignes, le titre a battu le record de vente avec ses 2,4 millions de copie vendues, pour une nouvelle licence sur une machine Sony. On se souviendra donc de ses performances et de son ambiance. Sucker Punch a réussi le défi d'insuffler une véritable âme à son jeu, que ce soit par la composition des décors, l’aspect historique ou la narration. En revanche, sur bien des points Ghost of Tsushima déçoit. Le monde ouvert assez vide, les trop nombreux points d'intérêts pauvres en intérêt justement et plus généralement, l’utilisation de recettes éculées. Bref niveau gameplay c’est de l'archi déjà vu. Les fans de monde ouvert avec 4000 points d'intérêt à clean trouveront une nouvelle addiction, les autres verront l’ennui pointer le bout de son nez. J'ai hésité à le considérer comme un indispensable, mais cela ne vaut, je pense, que si vous êtes un inconditionnel du Japon comme moi. Ghost of Tsushima arrive tel un dernier avertissement pour la prochaine génération : faire en sorte que les nouvelles capacités techniques ne soient pas uniquement concentrées sur l’aspect technique, mais se mettent au service de véritables propositions de game design.  

Jeu testé sur PlayStation 4 à partir d’une version fournie par l'éditeur. Plus d’informations sur notre politique de tests en suivant ce lien.

En bonus, mes captures d’écran réalisé avec le mode photo du jeu :

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