PC

Test : Iconoclasts

Dans le club des pixels-artistes, il y a les petits nouveaux qui débarquent et surfent sur la vague du néo-rétro, les bons qui ont déjà fait leurs preuves sur des titres reconnus et les très bons qui inspirent les deux autres. Joakim Sandberg, alias Konjak, fait sans conteste partie de la dernière catégorie. Il faut dire que le gars manipule les sprites en génie depuis plus d’une décennie. Autant dire qu’il sait ce qu’il fait et si vous êtes du genre à dévorer les jeux vidéo indépendants, vous avez surement dû toucher à Noitu Love 1 et 2, ses derniers succès en date. Et pour un jeu qui finit par sortir de terre, une foule de prototypes ont droit eux à des sorties confidentielles sur son site personnel. Parmi ceux-là, Ivory Springs était surement le plus abouti, en tout cas assez pour qu’il consacre 7 années de sa vie à le faire pousser lentement avec amour hors du pot, rajoutant au fur et à mesure du contenu jusqu’à ce qu’il devienne le jeu dont nous allons parler aujourd’hui : Iconoclasts.

Le pitch de départ de ce projet au long cours reste lui inchangé : on incarne Robin, une jeune mécanicienne qui donne bénévolement de son temps et de son inimitable tour de clé pour aider les citoyens de la Colonie 17 en galères de tuyauterie. Seulement voilà, dans un monde où travailler pour autre chose que « le Projet » est illégal, la jeune fille est considérée comme une rebelle qu’il faut mater par tous les moyens. Le pouvoir en place envoie donc sa milice, les impitoyables Agents, enquêter sur Robin et ses agissements. Iconoclasts va vite transformer ce point de départ en une course contre l’anéantissement de la race humaine tout entière avec Robin et ses amis en frontal face aux sbires de « Mère », faisant se croiser une foule de personnages en tous genres tous plus attachants les uns que les autres. Evidemment, la direction artistique y fait pour beaucoup et c’est pour cela qu’on va aborder ce sujet en premier.

Si vous avez jeté un oeil ci-dessous sur les visuels et la bande-annonce du jeu, vous savez déjà qu’Iconoclasts est beau, très beau même. Ce n’est pas juste l’amoureux du pixel-art qui parle, mais je juge ici une cohérence dans le design des environnements, dans le choix des couleurs qui les habillent, des animations des personnages mêmes les plus anecdotiques dans des positions où il n’y avait même pas besoin de rajouter une couche de mouvements… on ne peut qu’être en admiration devant le souci du détail qui caractérise l’oeuvre du développeur qui on le rappelle à tout fait tout seul, du design au code en passant par la musique. Pour revenir aux graphismes, on y trouve des références aux gros succès 16 bits évidemment, mais également à ce qui se faisait de mieux sur Neo-Geo lors des phases d’action explosives parfaitement orchestrées et toujours avec une fluidité exemplaire.

Cette fluidité, on la retrouve aussi dans les systèmes de jeu d’Iconoclasts. S’il n’est jamais vraiment un Metroid ou encore moins un Castlevania-like, l’exploration est tout de même au coeur de son gameplay. Les niveaux sont reliés les uns aux autres par une porte d’entrée unique et chacun retravaille à sa sauce un style ou une structure de jeu, de la plateforme parfois très classique à l’exploration pure, au casse-tête osé. Un melting-pot de gameplays qu’on peut comparer à ce que nous faisait vivre un certain Owlboy paru il y a deux ans déjà. Pas étonnant d’ailleurs que les auteurs se connaissent si bien et aient échangé durant leurs développements respectifs. Armée de sa clé à molette qui lui permet de déverrouiller des portes, actionner des engrenages où naviguer sur des rails électriques, Robin devra résoudre un paquet de puzzles mettant en scène cet accessoire unique aux pouvoirs qui ne cesseront de s’agrandir.

Electrifiée et utilisée conjointement avec son arme de poing, elle permettra d’actionner des mécanismes à distance, par exemple. Pour la partie action, Robin peut se servir d’un flingue multifonction qui est lui aussi mis à jour à mesure qu’elle progresse dans les niveaux, même si le jeu nous invite régulièrement à utiliser les anciennes fonctions de l’arme face à tel ou tel ennemi. Et justement, des ennemis elle va en croiser ! En plus du bestiaire consistant du jeu, ce sont plus de 20 boss qu’elle devra affronter. Ici encore, les 7 années de brainstorming autour du jeu ont porté leurs fruits : il est rare de tomber sur un boss au pattern déjà vu ailleurs. Au contraire, le créateur joue avec le joueur, lui faisant découvrir des patterns étonnants et expérimenter des idées de gameplay astucieuses comme ce combat à 4 mains, Robin travaillant de concert avec sa collègue pour arrêter une machine infernale.

Dernier point fort du jeu, les thèmes choisis et la manière dont il les aborde. Sous ses airs enfantins, le jeu évoque des sujets sérieux comme la mort, les dangers de l’intégrisme religieux ou l’acceptation de la différence dans une aventure bien plus textuelle qu’à l’accoutumée. S’il est bavard, le jeu n’est pas moins passionnant, car les dialogues sont tous bien écrits et desservent des protagonistes aux caractères forts de l’impétueuse Mina au personnage clé Réal en passant par le gourou hippie Chrome. Seule la traduction française nous laisse quelque peu sur notre faim, la faute à des choix de tournures de phrases pour le moins étranges qui enlèvent leur superbe à certains face-à-face verbaux dignes de westerns en VO. Et ce n’est pas le seul petit reproche qu’on peut faire au jeu. La musique tout d’abord oscille entre le bof et le curieux sans jamais marquer le joueur.

D’autre part, les Tweaks qui permettent de faciliter la vie des joueurs lors des phases de puzzles les plus millimétrées rallongeant la durée de certains pouvoirs par exemple restent accessoires et on se contentera pendant la quasi-totalité de l’aventure des coeurs d’aciers, rajoutant une vie supplémentaire chacun. Enfin, on sent bien que Konjak a peiné pour terminer son jeu qui s’essouffle un peu sur le dernier tiers, nous faisait faire de multiples aller-retour parfois pénibles où lâchant le joueur face à des énigmes pas claires alors qu’il nous prenait par la main pendant les dix premières heures sur des puzzles simplissimes. Rien de bien grave me direz-vous, on reste tout de même face à un titre extrêmement agréable à parcourir, mais c’est vrai que lorsqu’un grain de sable vient perturber cette mécanique quasi parfaite, ça se ressent immédiatement.

Bon Obligé !

On pensait l'année des hits à gogo derrière nous, mais non, Iconoclasts nous met l'une des premières grosses baffes de 2018, et ce avant la fin du mois de janvier. Si les longues années de développement et d'errance de son créateur se ressentent sur la toute fin un peu poussive, le désormais vaisseau amiral du catalogue de Joakim Sandberg a tout pour plaire au fan de l'exploration de bon goût des années 90. Il a pour lui un gameplay souvent très malin, une progression fluide dans des niveaux inspirés et inspirants et un degré de perfectionnisme dans sa direction artistique qui force le respect de toute personne sensible à l'Art, le vrai. Enfin surtout, c'est son histoire de fin du monde annoncée qui nous pousse à aller toujours de l'avant pour découvrir les recoins d'un scénario plus adulte qu'il n'y parait. Voilà ce qui fait d'Iconoclasts l'un des jeux phares de l'année.

Jeu testé sur PC à partir d’une version fournie par l'éditeur. Plus d’informations sur notre politique de tests en suivant ce lien.

Cliquez pour commenter

Envoyer

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Derniers articles

En haut