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Test : Omensight

Comme beaucoup de monde, j’ai découvert le studio québécois Spearhead Games avec leur premier jeu : Stories: The Path of Destinies et j’avoue être tombé immédiatement sous le charme de leur démarche narrative (voir notre test). Conscients qu’il y avait fort à faire pour chambouler le déroulé d’une histoire dans un jeu vidéo, ils se sont en partie inspirés des Livres Dont Vous Etes Le Héros pour créer un OVNI qui demandait de s’impliquer du début à la fin pour découvrir la véritable fin en refaisant inlassablement chaque chapitre, choisissant tel ou tel embranchement via des décisions au fort impact sur le reste du jeu. Nous l’avions déjà noté à l’époque, le jeu était perfectible, notamment sur sa partie graphique parfois griffonnée à peu à la va-vite et certaines idées de gameplay jugées non-essentielles. 18 mois plus tard, le studio est fier de sortir Omensight, la suite spirituelle de Stories comme ils aiment à le faire savoir jusque sur la bannière Steam du jeu. Reste à voir s’ils ont raffiné leur formule originale et surtout apprendre des erreurs commises pendant leur première réalisation.

Et on peut dire qu’ils ont le sens du dramatique puisque l’histoire démarre à la toute fin d’un monde déchiré par la guerre, alors que le dieu du néant Voden apparait pour le dévorer. La prêtresse sans dieu Vera est morte assassinée et le destin du monde repose désormais sur les épaules de la Messagère. Cet émissaire invoqué par une mystérieuse sorcière va devoir, à la manière d’un Groundhog Day fantastique, remonter le temps et suivre des personnages clés de ce drame lors de leur dernière journée, encore et encore. C’est là tout le principe du jeu, revivre ces dernières heures en boucle pour enquêter sur le meurtre de Vera mais surtout tenter de sauver les contrées d’Urralia en empêchant l’invocation de Voden. Pour cela, il faudra non seulement se renseigner sur le dessein de chacun des protagonistes dans les deux camps qui s’affrontent pour la suprématie. C’est l’occasion de rencontrer des figures singulières : Draga le bras armé du tyran Indrick, la perfide rodentienne Ratica et le frère de la prêtresse Ludomir, animé par un désir profond de vengeance.

Il y a bien d’autres acteurs dans cet opéra classique mais nous préférons rester discrets à ce sujet pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte. Tout ce que l’on peut dire c’est que l’histoire n’est pas cousue de fil blanc et on découvre rapidement que le coupable idéal est loin d’être le meurtrier. Comme dans d’autres jeux d’enquête, Omensight offre au joueur un tableau d’indices qu’il glane au fil des remontées dans le temps et des choix effectués. En acquérant des Omensights (des visions éthérées de moments clés de ce jour du jugement dernier), il peut confronter tel ou tel personnage et ainsi l’amener à dévier sa route pour le forcer à croiser le chemin d’un autre et pourquoi pas découvrir de nouveaux indices, embranchements scénaristiques, etc. On apprécie le fait que ces imbrications tombent toujours juste et que même lorsque l’on ne fait pas face à tel ou tel personnage, s’il est sensé se trouver au même endroit, on nous le montre en arrière-plan à ce moment précis. Il en résulte quelques « synchronisations des montres » intéressantes, ce qui n’est jamais évident à mettre en place dans un tel exercice de style.

Alors forcément, pour arriver à ce genre de cohésions satisfaisantes, il faut faire quelques compromis. On s’en rend rapidement compte, le jeu est moins ouvert que ne l’était Stories. Les niveaux ressemblent à de grands couloirs qui s’ouvrent ou se ferment en fonction du compagnon embarqué avec nous. Ce petit côté binaire laisse peu de place à l’improvisation, les développeurs savent pertinemment où ils souhaitent nous emmener et les déviations sont forcément orchestrées sans fausse note pour épaissir l’intrigue. Ces choix de design ont plusieurs impacts : d’une, le jeu gagne en profondeur. Les créateurs pouvant se permettre de rajouter moult dialogues joliment doublés et évènements particuliers que l’on sera obligé d’activer pendant le run. De deux, il évite la répétitivité qu’implique devoir refaire en boucle le même niveau. On utilise les pouvoirs de chacun des comparses pour déverrouiller des passages secrets menant à des trésors ou des indices/souvenirs qui feront progresser le schmilblick. Et entre ces phases d’enquête, on passe le plus clair de son temps à se bastonner.

Et avec bonheur, le gameplay combat du jeu est agréable, très agréable même ! Il s’aspire à la fois de celui de Stories mais tout en allant plus loin dans le côté action nerveuse à la Batman Arkham, la Messagère virevolte entre ses ennemis et utilise à la fois des coups rapides/forts, une esquive et des pouvoirs pour orienter les rixes en sa faveur. Plus on avance dans la partie et plus on débloque de capacités supplémentaires (bulle temporelle qui immobilise tout le monde, ruée au travers d’ennemis, projections, etc.). Il y en a pour tous les goûts et toutes les postures de combat. Une esquive réussie déclenchera elle un slow-motion qui permettra de se retourner et d’envoyer valser l’adversaire. Jouissif dans ses sensations d’impact, le système de combat est vraiment un gros plus par rapport à ce qu’ils avaient introduit avec leur premier projet. Lorsqu’on décidera de mettre à mort le nemésis de chaque journée, le jeu nous présentera des petites phases de boss-fights aux patterns légers mais eux aussi convenable.

Toutefois, Omensight n’est pas sans défauts et on regrette que certains écarts sur Stories se retrouvent également dans sa « suite ». Certains upgrades de la Messagère sont pour le moins superflus et ne méritent pas qu’on y investisse beaucoup de cristaux, la monnaie du jeu. Le rendu graphique est lui comparable à ce que l’on avait déjà souligné sur Stories, à savoir des passages plus inspirés que d’autres et une poignée d’assets génériques qui auraient bien mérité un coup de peinture de plus. Globalement c’est la mise en scène qui est parfois maladroite, imposant des angles de caméra restrictifs qui empêchent de progresser, d’ouvrir un coffre et nécessitent à de rares occasions le rechargement depuis un point de contrôle précédent. Les sauvegardes étant bien gérées, il n’y a pas de quoi nous faire perdre la boule mais tout de même… Enfin c’est surtout l’interface du jeu et ses menus qui selon nous sont à revoir de fond en comble. On a la désagréable impression d’être en face de placeholders oubliés au milieu du jeu, c’est pour le moins étrange.

Bon

Omensight fait presque tout en mieux que son prédécesseur et prouve que le studio Spearhead commence à bien maîtriser son sujet. Evidemment, avoir dans sa besace un certain Chris Avellone, cela aide mais c'est lorsqu'ils font leur travail d'artisans en imbriquant des scénarios les uns dans les autres sans couac que les cousins canadiens brillent. On se doit également d'approuver tout le boulot effectué sur le système de combat, plus nerveux et bien plus profond que sur Stories. Il leur reste à polisher un peu les contours techniques sur leurs prochaines productions pour que l'expérience en soit d'autant plus agréable.

Jeu testé sur PC à partir d’une version fournie par le développeur. Plus d’informations sur notre politique de tests en suivant ce lien.

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