PlayStation 4

Test : Resident Evil VII

Impossible pour vous de la savoir, à moins d’être d’incroyables devins, mais j’ai dû marchander tel un brocanteur du dimanche via la messagerie de Facebook pour chiper le test de Resident Evil VII à notre cher Sylvain national. Parce qu’après la petite preview que j’ai faite du jeu en octobre dernier, j’avais très envie de voir ce que nous réservait la version finale d’un titre qui n’a plus rien à voir avec les derniers épisodes de la série. Un rafraichissant retour aux sources qui se pose surtout comme une véritable prise de risque pour un éditeur qui n’avait pas spécialement besoin de ça. Et je vous épargne toute forme de suspens d’entrée de jeu, le pari s’avère on ne peut plus payant pour les joueurs.

Avant, quand j’étais plus petit, à une époque où l’insouciance et la naïveté n’avaient pas encore quitté mon corps d’esthète, je partais en vacances au Portugal tous les étés. Au mois d’aout pour être plus précis. Et c’est en 1997, à un petit jour de mon départ, que mon frère a apporté à la maison la version japonaise de Biohazard sur Saturn. Je m’en souviens comme si c’était hier. L’intro kitch en noir et blanc, le hall du manoir Spencer, les corbeaux, les zombies et ces putains de chiens qui passent par la fenêtre. Durant tout un mois, je n’avais plus qu’une seule idée en tête, rentrer au bercail pour enfin pouvoir y jouer. C’est dire l’impact qu’a eu Resident Evil sur moi à l’époque. Pourtant, j’ai assez vite mis de côté la série malgré une palanqué d’excellents titres comme Resident Evil II et III ou encore Code Veronica sur Dreamcast, j’ai raté le virage de Resident Evil 4 qui a mine de rien défini la direction des jeux d’action de ces dernières années et j’ai décidé d’abandonner la franchise après avoir perdu mon temps sur le très médiocre Resident Evil 5. Les papiers du divorce étaient alors signés et je me suis mis à regarder ce que faisait la série du coin de l’œil à travers la presse ou quelques vidéos sur Youtube. Si je vous raconte tout ça, ce n’est pas pour le plaisir de vous raconter ma vie, mais pour souligner l’importance que peut avoir Resident Evil VII pour la série, mais aussi pour Capcom. Car contrairement à ce qu’on peut penser, et malgré la mauvaise critique des derniers épisodes en date, la série n’a jamais aussi bien marché. Resident Evil 5 et 6 font même partie du trio de tête des meilleures ventes de l’histoire de l’éditeur Japonais. Alors en prenant la décision de mettre l’action de côté et de revenir aux sources de l’horreur, Resident Evil VII n’est pas une tentative désespérée pour ne pas faire tomber la franchise dans l’oubli, mais un pari particulièrement risqué. Un pari poussé par le producteur du jeu, Masachika Kawata, qui au lieu de surfer sur la vague de l’action bête et méchante pour s’assurer un minimum de retour sur investissement, a préféré revenir aux fondamentaux de la série et développer tout son jeu autour de cette étrange nouvelle technologie qu’on appelle la réalité virtuelle. En clair, un jeu qui transpire fort des cojones et qu’on ne peut qu’accueillir les bras grands ouverts.

Tout avait si bien commencé. Une longue route qui se dessine vers l’horizon et un paysage magnifique balayé par un soleil couchant doré qui se reflète sur l’eau calme des marais du bayou. Je ne sais pas pour vous, mais je pense que je ne mettrais jamais les pieds en Louisiane. Non pas par pure xénophobie, pas de ça entre nous, mais je trouve la destination sacrément flippante. Entre les ouragans qui frappent régulièrement la région et les conditions de vie qui tendent à partir lentement mais surement en cacahuète, les productions américaines se sont passé le mot pour rendre le coin particulièrement anxiogène. Pas étonnant donc de voir Resident Evil VII planter sa tente au beau milieu de ces marécages poisseux infestés de moustiques et prendre l’amour d’un homme pour sa femme comme prétexte pour nous attirer dans un tel cauchemar. Ethan, notre héros, est un homme comme un autre et n’a pas l’allure, la classe ni même le dixième de la force d’un Chris Redfield ou d’un Léon S. Kennedy. Trois ans après que sa douce ait disparue, il reçoit un mystérieux message vidéo de cette dernière qui lui intime de ne surtout pas venir la chercher. Et vous vous doutez bien qu’avec un message pareil, il n’a pas attendu très longtemps pour sauter dans sa bagnole et foncer tête baissé dans ce qui s’apparente être l’antichambre des enfers. Une vielle baraque en ruine, paumé au beau milieu des marais et avec des locataires sociopathes pas très regardants sur la charte des droits de l’homme. Oui, cette histoire pue du cul et on en a la confirmation dès le début de l’aventure.

Je ne suis pas du genre à flipper devant un jeu vidéo. Il m’arrive de sursauter, d’être pris par surprise, mais jamais vous me verrez beugler à la première apparition d’une petite fille en robe de chambre au bout d’un couloir. Par contre, je peux comprendre qu’on puisse se chier dessus devant Resident Evil VII. Ce jeu possède tout ce qu’il faut pour foutre les jetons. Chaque pièce et corridor obscur transpirent l’angoisse et le malaise. Une ambiance anxiogène soutenue par l’utilisation de la vue à la première personne, une petite révolution dans la série qui s’était cantonnée jusque-là à l’utilisation de la troisième personne sous différents angles. Mais si l’utilisation de cette nouvelle vue peut donner l’impression d’un sentiment de liberté, on comprend vite qu’on est finalement prisonnier du corps d’Ethan, à subir tous les sévices et autres jump scare concoctés avec soin par les développeurs. Comme si le jeu n’était qu’une plongée horrifique dans le train fantôme le plus putride de la planète. Surtout que Capcom n’a pas lésiné sur les moyens pour installer une ambiance digne des meilleurs films du genre. La villa des Baker n’a rien d’une destination de vacances et ressemble bien plus à un musée des horreurs. Entre la décoration veillotte, les frigos qui débordent d’immondices verdâtres, les ampoules qui vacillent, le plancher qui craque, les cadres photos qui donnent des suées, les volets qui claquent au vent ou encore toutes ces bestioles volantes qui grouillent dans la cabane au fond du jardin, il est tout simplement impossible d’évoluer sereinement. Et je ne vous parle pas des nombreux documents qu’on peut trouver dans le jeu et qui plante le décor d’un Lore qui fait froid dans le dos. Il y a aussi les cassettes VHS qui une fois callées dans le magnétoscope nous font revivre une scène du passé avec d’autres protagonistes. En plus d’être une excellente idée de narration et de mise en scène, ces cassettes nous permettent surtout de débloquer certaines situations ou d’étudier des lieux qu’on n’a pas encore visités. Du moins, quand le jeu ne s’évertue pas à nous mettre des bâtons dans les roues…En soignant à ce point son ambiance, Resident Evil VII réussit son pari de foutre la pétoche aux joueurs et se démarque des derniers jeux de la série en date, finalement bien fades et sans relief en comparaison.

Depuis maintenant plus de vingt ans, Resident Evil s’est bâti toute une mythologie sur laquelle jeux, films et autres produits connexes ont surfé plus ou moins brillamment. Si Albert Wesker reste le plus grand méchant de tous les temps uniquement pour les fans de la franchise, tout le monde, ou presque, connait Umbrella Corporation. Vous savez, ce petit groupe militaro pharmaceutique à l’origine de tous les maux de la série. Tout ça pour dire que Resident Evil VII prend le parti de mettre tous ces éléments de côté pour se focaliser sur un autre registre. Celui de l’Amérique profonde avec une famille de barjots perdu dans les marais du bayou. Sans pomper ce qui a pu se faire dans le domaine de l’horreur, le jeu s’inspire avec brio de nombreuses productions telles que Saw, la première saison de True Detective ou encore Outlast pour nous livrer une aventure savoureuse et originale qui colle merveilleusement bien à la série. Dans Resident Evil VII, la menace la plus dangereuse reste l’homme et en mettant les zombies et hunters de côté, le jeu adopte une posture un peu plus « réaliste ». Si du moins vous partez du principe qu’un cinglé torse nue qui vous pourchasse avec une pelle après s’être pris plusieurs cartouches de chevrotine dans les gencives est plus réaliste qu’un cadavre qui déambule à la vitesse d’un escargot. Mais passons, comme je sais que vous êtes des joueurs avertis, j’imagine que vous avez jeté un œil aux différents trailers du jeu et vous vous doutez bien qu’une part de fantastique s’est invitée à la fête avec des créatures protéiformes couleur pétrole qui ne manqueront pas de vous charcuter d’un seul coup si vous aviez déjà un petit bobo. Des créatures qui manquent cruellement de variétés et qui n’ont pas le « charisme » de la chair à canon que nous avait habitué la série. Aussi, si la présence de ces nouveaux camarades de jeu apporte son lot de piquant au périple d’Ethan, on peut regretter que le jeu n’ait pas assumé son postulat de départ en nous confrontant uniquement à des humains ravagés du cervelet. Mais qu’à cela ne tienne, la formule fonctionne à merveille et on ne boude que très rarement son plaisir.

On peut dire que Resident Evil VII a changé de formule, qu’il a même, quelque part, réinventé la série, mais son ADN reste profondément ancré dans celui du tout premier épisode. À savoir un authentique jeu de survie. Paumé dans une baraque dont il ignore tout, Ethan n’a rien d’un soldat d’élite des STARS. Il est lent, pataud et incapable de se servir d’une arme sans gaspiller la moitié de ses munitions contre un mur. Une posture de victime qu’on garde tout au long du jeu avant d’enfin mettre la main sur des armes un peu plus efficaces comme un lance-grenade ou encore un fusil-mitrailleur. Des armes qui ne font pas office d’assurance vie pour autant. Les munitions se font assez rares et il est primordial de les rationner pour ne pas se retrouver avec sa bite et son couteau rouillée devant une nuée d’ennemis. Il faut donc gérer son inventaire avec intelligence et utiliser à bon escient les coffres de stockage qu’on peut trouver dans les salles de sauvegardes disponibles à des endroits stratégiques de la carte. La sureté est de loin la meilleure des stratégies pour s’en sortir vivant sous peine de se faire tabasser, brûler, piquer ou même démembrer par des ennemis qui peuvent tomber de nulle part. Surtout qu’on passe le plus clair de son temps à se trimbaler de droite  à gauche dans la demeure des Baker pour mettre la main sur une clef qui ouvrira une porte, à tenter de résoudre une énigme pour se sortir d’un piège mortel ou encore jouer avec l’ombre d’un objet pour dévoiler un passage secret derrière une toile. Parfois, le périple prend des faux airs de chemin de croix et se balader avec une ou deux fioles de soin dans son sac à dos est loin d’être une mauvaise idée. Des remèdes qu’on concocte via l’inventaire en combinant des herbes médicinales avec des produits chimiques et où on peut même fabriquer des munitions améliorées, des stimulants ou encore du combustible pour le lance-flamme. Des mécaniques de jeu qui montre bien que Resident Evil VII n’a rien d’un simple spin off et qu’il joue de toute la grammaire de la série avec une insolente maitrise. Et bien que le jeu s’essouffle un peu sur son derniers tiers, là où la surprise n’opère plus, il est vraiment très difficile d’en décrocher après avoir plongé dedans. Une immersion catalysée par un rythme de jeu efficace où on passe de ces longs moments d’exploration silencieux à des scènes d’action frénétiques en passant par ces petits moments d’angoisse dans une fluidité presque divine. On y prend un tel plaisir qu’on en vient fatalement à pester sur la durée de vie du jeu. Si j’ai mis très exactement 10h29 pour en venir à bout, beaucoup seront ceux à voir défiler le générique de fin en à peine plus de sept heures. C’est court, mais entre le New Game +, la fin alternative, le mode survie et le défi de terminer le jeu en moins de quatre heures, il y a quand même de quoi en avoir pour son argent. Et comme le dit l’adage du gamer des Yvelines, il vaut mieux jouer à un jeu court mais maitrisé de bout en bout plutôt que de se faire chier sur un jeu long où il n’y a rien à faire. Je vous laisse méditer là-dessus.

Avant de terminer, un petit mot très rapide sur la VR. Comme je vous le disais plus haut, Resident Evil VII a été pensé et développé pour la VR. Malheureusement, Console-Toi n’ayant aucun Playstation VR dans sa grande salle des coffres à Genève, nous avons dû faire l’impasse sur ce segment du jeu. Mais d’après la preview que nous avions pu faire en fin d’année dernière et les différents retours de la presse et des joueurs, il y a de quoi découvrir le jeu sous un autre jour et se faire vraiment peur. Et tout ça, sans même avoir la gerbe.

Très bon

Malgré sa durée de vie trop courte, son bestiaire qui manque de diversité et l’aspect un peu trop scripté des évènements, il était impensable pour moi de ne pas mettre la note maximale à Resident Evil VII. En plus de réussir son pari en retournant sur les sentiers battus du survival horror, Capcom a surtout lavé l’affront des derniers épisodes qui ont laissé beaucoup de fans de la première heure sur le bord du chemin. En fait, s’il ne parvient pas à recréer la surprise du premier Resident Evil ou s’il ne servira sans doute pas de modèle comme l’a fait le quatrième épisode, je n’ai pas peur de dire que Resident Evil VII est l’un des meilleurs jeux de la série. Et même l’une des plus belles surprises de ces dernières années.

Jeu testé sur PlayStation 4 à partir d’une version fournie par l'éditeur. Plus d’informations sur notre politique de tests en suivant ce lien.

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