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Test : The Council: Episode 1

N’est pas TellTale qui veut. Ces quelques mots vous les avez entendus à tour de bras dans pas mal de critiques ces dernières années. Pourtant la narration interactive à la sauce californienne est en perte de vitesse depuis la sortie de l’excellent épisode Tales From the Borderlands, réalisé mais pas écrit par TellTale, il faut le rappeler. La formule stagne et forcément les petites et grosses déceptions se suivent et se ressemblent. Et c’est tant mieux pour les outsiders qui voulaient s’essayer au genre, mais avaient peur d’être croqués par le grand méchant loup. Ils ont désormais le champ libre pour défricher et tenter des choses. Plusieurs projets sortiront prochainement de terre comme The Occupation et Sonder pour ne citer qu’eux. Le petit éditeur français Focus Home mise lui sur l’enquête et le fantastique. C’est après quelques bons jeux Sherlock Holmes qu’il nous offre aujourd’hui une nouvelle coproduction épisodique signée Cyanide Studio/Big Bad Wolf : The Council, et le projet est assez ambitieux.

Conscients du bourbier dans lequel est empêtré le genre, les développeurs annoncent la couleur : ils veulent souffler un vent d’originalité sur le jeu d’aventure narratif. Et pour cela, ils nous proposent une enquête se déroulant à la fin du XVIIIe siècle, sur fond de société secrète, de disparition mystérieuse et d’assemblée des grands de ce monde sur une ile perdue au large de l’Angleterre. Il n’en fallait pas plus pour nous donner l’envie de plonger dans l’aventure ! On y incarne donc Louis de Richet, fils d’une des éminentes membres de l’Ordre Doré qui est invité par un certain Lord Mortimer à venir le rejoindre sur son ilot. Sarah, madame de Richet, est portée manquante et notre tâche sera d’abord de savoir dans quelles circonstances maman a disparu. Cela ne va toutefois pas être une mince affaire, car chacun des convives a une raison particulière d’être sur place. Il faudra donc apprendre à maitriser l’étiquette, les jeux de courbettes et la diplomatie pour dénouer ce mystère.

On s’en doute à la lecture du scénario, The Council est bien plus qu’une bête histoire de fils en quête de sa pauvre mère et l’on découvrira en chemin les sombres secrets des uns et des autres et des complots plus grands que nos petites considérations. En tout cas c’est ce qui nous est promis au final, car ce premier épisode ne nous permet pas d’avoir une vision claire sur tous les tenants et les aboutissants de cette vaste pièce de théâtre. Tout juste nous est-il permis de faire connaissance avec les invités (de Georges Washington à Johann Christoph von Wöllner en passant par des personnages fictifs) et de tirer quelques ficelles nous donnant un aperçu des desseins de ces derniers. Il nous permet tout de même de nous familiariser avec le Système d’Influence au coeur de l’originalité du titre. S’écartant de la définition première des jeux d’aventure, The Council intègre dans les phases de dialogue de véritables éléments de RPG.

En début de partie, le joueur choisi le trait qui va caractériser son avatar parmi 3 voies distinctes et complémentaires. La Diplomatie tout d’abord est l’art d’orienter les conversations à son avantage. L’Occultisme lui met en avant des dons en rapport avec la science ou la littérature pour arriver à ses fins. Enfin le talent de Détective octroie la capacité de dénicher des objets cachés, lire sur les visages et analyser des scènes de crime. Chacune possède 5 compétences uniques qui peuvent être aiguisées avec de l’expérience gagnée au fur et à mesure ou des lectures au coin du feu le soir venu. Ainsi augmentés, ces pouvoirs permettront de confondre vos interlocuteurs plus facilement, crocheter des serrures, anticiper des réactions, etc. Pour les utiliser, vous devrez sacrifier plus ou moins de points d’action sur une jauge qui se recharge toutes les nuits ou à l’aide de consommables. Vous pourrez même agrandir cette jauge à l’aide de cristaux d’ambres planqués dans le manoir de Mortimer ou piper les dés via différentes potions qui vous octroieront la victoire à coup sûr, un coût de compétence réduit, etc.

Ce système de pseudo-classes de personnage est très bien équilibré, il n’y a pas de pouvoir plus important qu’un autre. Ils peuvent être perçus comme des solutions alternatives à une problématique unique. Ainsi dans The Council, il n’y a pas de Game Over à proprement parler, pas de sauvegarde, pas de mauvais choix punitif qui pouvait agacer dans les jeux TellTale, chacune des décisions prises par le joueur façonne l’aventure et peut conduire à des changements profonds sans que cela soit vecteur de frustration. Et c’est là sa véritable force. Mais pour cela, il faudra accepter de jouer le jeu de sa proposition, d’aller à la pêche aux informations en jouant du verbe lors de dîners ou de rencontres privées pour découvrir les immunités et vulnérabilités de tout ce petit monde qu’on pourra ensuite utiliser à bon escient lors des dialogues ou des « Confrontations », des moments clés qui mettront à rude épreuve nos talents d’enquêteur pour dénicher des informations importantes pour le reste de l’aventure.

L’ensemble de ces mécaniques transforme n’importe quelle discussion en un jeu d’échecs verbal où l’on avance ses pièces prudemment. Pour tout ce qui concerne la partie aventure, le titre emploie une vue à la troisième personne et des contrôles réduits au strict minimum (déplacement libre dans l’environnement) qui ont le mérite de ne laisser aucune ambiguïté sur les actions disponibles, que ce soit une interaction avec un objet qui brille à notre passage ou les « Opportunités » qui figent le jeu un instant demandant d’avoir l’oeil vif pour rapidement dénicher un indice dans une scène. Des systèmes de jeu clairs au service d’une histoire vraiment passionnante. L’ambiance réunion secrète des penseurs d’une époque et le lieu choisi par les auteurs y font pour beaucoup, mais vous n’êtes pas au bout de vos surprises. Le mystère plane sur l’identité de Mortimer et des raisons de la venue de chaque visiteur.

Sans aller dans les détails, on sent vraiment les développeurs à l’aise lorsqu’ils ficèlent leur scénario et ses secrets, profitant des visions du héros pour nous offrir un autre regard sur la timeline de The Council. A la manière des meilleurs épisodes d’X-Files ou de Lost, ils rajoutent une bonne platrée d’intrigue au jeu, nous captivant encore plus au passage tout en laissant un paquet de questions sans réponses. Un découpage sans-faute qui s’appuie aussi sur des faits historiques comme pour nous montrer que les scénaristes sont à l’aise en toutes circonstances. Bon par contre, les techniciens eux, ont eu quelques soucis : aliasing prononcé, textures floues, framerate qui toussote sur notre GTX 1080 de test, personnages inexpressifs et qui semblent téléportés devant la caméra juste avant les dialogues, il y a encore du travail de ce côté-là. La vue 3e personne pourrait aussi être décloisonnée, la caméra étant beaucoup trop proche du héros et masquant quelque peu les éléments interactifs à certains moments.

Sans caricaturer, le moteur s’arrange souvent maladroitement pour masquer les imperfections artistiques en arrosant l’image de death of field. Et c’est bien dommage car la direction artistique est elle soignée, des personnages aux lieux visités, on sent qu’elle a été très documentée. Pour terminer sur une dernière note positive, on mentionnera toute la partie sonore. Olivier Derivière, chef d’orchestre attitré des productions Focus qui fait une nouvelle fois un excellent travail sur la bande originale. Il donne ici une petite touche taquine et espiègle au jeu et son héros Louis, dans des compositions librement inspirées du Sherlock de la BBC, tout en répondant présent lorsqu’il faut faire vivre les moments de tension au joueur. Les doublages sont eux aussi de très bonne facture, bien qu’en anglais uniquement, et de manière générale tous les effets spéciaux sont réussis.

Bon Obligé !

C'est en optant pour une structure d'intrigue largement inspirée par les séries TV à succès, stratagème qui consiste à poser plus de questions que d'offrir de réponses, que les trois premières heures de The Council réussissent a captiver le joueur jusqu'à un final savamment orchestré. Mais là où le jeu de Big Bad Wolf impressionne vraiment, c'est qu'il nous procure une vraie sensation d'accomplissement au sortir d'une joute verbale, peu importe que l'on ai réussi ou non à faire basculer la-dite causerie en notre faveur. Mieux encore, il gagne à infuser ses dialogues avec des compétences carrément issues du monde du RPG, sans qu'elles ne viennent heurter la narration. On regrette juste que la technique du jeu n'atteigne hélas rapidement les limites imposées par son moteur maison CyaTech. Le studio bordelais semble toutefois avoir trouvé la formule qui pourrait redonner un souffle au genre et on a sincèrement hâte de voir ce qui nous attend dans les prochains chapitres.

Jeu testé sur PC à partir d’une version fournie par l'éditeur. Plus d’informations sur notre politique de tests en suivant ce lien.

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