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[TEST]Dishonored

Alors que la fin d’année rime traditionnellement avec la sortie de gros titres tels que le dernier Assassin’s Creed, le nouveau Call of Duty ou bien l’habituel FIFA épaulé d’un petit Just Dance pour égayer les soirées hivernales, voilà qu’un petit vent de fraicheur, tout droit venu du studio lyonnais Arkane, souffle sur le mois d’octobre. Encore inconnu il y a peu, du moins à l’échelle du marketing du blockbuster de base, Dishonored s’inscrit pourtant dans le haut du panier des jeux AAA figurant sur la liste d’achats des joueurs pour cet hiver. Et ce grâce à une presse dithyrambique à la sortie des nombreuses prises en main du jeu et à une présentation lors du dernier E3 qui a laissé entrevoir ce que nous réservait le rejeton du studio à l’origine de Dark Messiah of Might and Magic et d’Arx Fatalis. Et autant vous dire que noyé sous un flot de suites et de titres sans saveur jouant la carte de la sécurité, cette petite pause fraicheur nommée Dishonored fait le même effet qu’une bouffée d’oxygène après plusieurs minutes d’apnée.

A la croisée des mondes

Nous sommes dimanche soir, il est presque 23h et je viens tout juste de terminer Dishonored. Pas loin d’une bonne vingtaine d’heures de jeu au compteur sans pour autant avoir tout exploré. Et s’il y a bien un truc qui me démange tout en regardant défiler le générique de fin, c’est de rempiler pour un second tour. Voilà l’effet Dishonored. Le genre de jeu qu’on a envie de faire et de refaire tout en tentant de nouvelles choses à chaque nouvelle partie. En même temps, lorsqu’on voit toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin à la conception du jeu, on ne pouvait que s’attendre à un produit fini d’une très grande qualité. Développé par le studio français Arkane, qui possède également des bureaux dans la ville d’Austin au Texas, Dishonored a reçu l’appui de l’éditeur Bethesda, à qui l’on doit des titres tels que Skyrim ou encore Fallout, mais aussi la participation de grosses pointures du jeu vidéo en les personnes de Harvey Smith et Viktor Antonov. Qui sont respectivement le co-créateur de Deus Ex premier du nom et le directeur artistique d’Half-Life 1 et 2. Rien que ça ! De cette manière, on pourrait qualifier le titre d’Arkane  de jeu hybride possédant la structure et les mécaniques d’un Deus-Ex, le gameplay affuté d’un Hitman, l’ambiance d’un Half-life et la direction artistique d’un Bioshock. Dishonored puise son inspiration dans des jeux qui ont marqué l’histoire du médium sans pour autant manquer d’originalité et d’authenticité avec des éléments qui lui son propre et qui rendent ainsi l’expérience aussi rafraichissante que palpitante. Mais passons les éloges et parlons un peu du scénario.

Déshonneur

Dishonored nous place dans la peau de Corvo Attavo, protecteur de l’impératrice, qui rentre bredouille d’une mission diplomatique des îles environnantes à la recherche d’un éventuel remède contre la peste qui ravage Dunwall, la capitale de l’île de Gristol. Et comme les mauvaises nouvelles ne viennent jamais seules, dès son arrivé auprès de l’impératrice et de sa fille Emily, Corvo est témoin malgré lui de l’assassinat de sa souveraine par d’étranges hommes aux pouvoirs surnaturels avant d’être accusé à tort et envoyé au bagne par le chancelier qui se voit ainsi nommé Lord Régent et placé à la tête de l’empire. Six mois plus tard, alors qu’il attend patiemment le jour de son exécution dans la crasse d’une cellule, Corvo reçoit l’aide des loyalistes pour s’évader de prison et ainsi venger la mort de son impératrice, retrouver Emily et l’installer sur le trône. En plus d’un soutien aussi bien logistique que matériel, Corvo se voit également doté de pouvoirs par l’Outsider. Un personnage occulte plein de mystères, adoré par certains qui lui vouent un culte et décrié par les partisans de l’Abbaye de Quidam et ses superviseurs. Bien que le scénario de Dishonored se montre finalement trop classique, cousu de fil blanc et sans réelles surprises – notamment sur la fin du jeu que je juge personnellement comme ratée et bâclée – le titre d’Arkane Studio bénéficie d’un univers unique, atypique, fantastique et bourré de richesses que l’on ne cesse de découvrir au fil de l’aventure. A tel point que l’on pourrait qualifier Dunwall (NDLR: Antonov ayant déjà expliqué que la ville avait été traité comme un personnage à part entière) comme étant l’un des personnages principaux du jeu.

Dunwall City

Capitale de l’île de Gristol et siège de l’explosion de la révolution industrielle, Dunwall, dont l’architecture tire son inspiration du Londres de l’époque Victorienne, n’est plus que l’ombre d’elle même suite à l’épidémie de peste qui l’a ravagée de l’intérieure. Autrefois prospère et fonctionnant essentiellement sur l’utilisation et le commerce de l’huile de baleine, Dunwall est depuis la mort de l’impératrice le siège d’une politique oppressive où les plus démunies et les infestés, qu’on appelle ici les geignards, sont concentrés dans les bas-fonds de la ville, lorsqu’ils ne sont pas abattus par les tourelles ou les Tallboys (Gardes montés sur des échasses et équipés de lance grenades), alors que les plus riches vivent dans le luxe, profitant de nourriture en abondance, de soirées bien arrosées et d’élixirs apparemment capables de contenir la propagation de la peste. Un contraste entre deux modes de vie qui se marie merveilleusement bien avec le gameplay de Dishonored qui joue sur l’exploration de la ville. Si le jeu ne propose pas de monde ouvert à la G.T.A. où l’on pourrait se balader où bon nous semble, les développeurs d’Arkane ont préféré opter pour un jeu découpé en neuf chapitres où chacun nous donne la possibilité de visiter une partie donnée de la ville, elle-même découpée en plusieurs secteurs. Le Q.G. des loyalistes, le Hound Pits, faisant figure de Hub central où l’on nous désigne les nouvelles cibles à abattre. Composé de nombreux quartiers, Dunwall est comme un livre ouvert qu’on dévore à chaque nouvelle ruelle visitée. Que se soit en écoutant deux gardes discuter depuis une corniche, en découvrant un autel à la gloire de l’Outsider dans un apparentement abandonné, en déchiffrant des messages peints sur les murs par des geignards qui n’ont pas encore sombré dans la folie ou en lisant la multitude de lettre, de notes et de bouquin disséminé dans la ville. Le background de Dishonored est d’une richesse incroyable et si l’on prête attention à tous ces petits détails, il est possible d‘avoir accès à des missions facultatives et de glaner des informations de premier choix sur la cible principale. De quoi nous encourager à explorer chaque corniche, appartement ou cul-de-sac de la ville.

Chacun sa route, chacun son chemin….

La mission de Corvo est aussi simple que limpide. Venger son impératrice, récupérer Emily et aider les loyalistes à redonner le pouvoir à qui de droit. Pour se faire, on nous confie une liste d’hommes à abattre. Mais s’il nous est demandé de simplement tuer les cibles en question, le jeu étant d’une souplesse redoutable, il est parfaitement possible de parvenir à ses fins sans pour autant faire couler le sang. Pour cela, il faut faire preuve de ruse, bien observer son environnement et ne pas négliger le moindre bout de papier à lire ou la moindre petite conversation au détour d’une allée. Toute information est bonne à prendre et si je préfère ne pas vous donner d’exemples d’élimination non létale pour vous préserver la fraicheur de la découverte, sachez juste que dans certains cas, il est préférable de mourir. Mais le chemin est long avant d’arriver sous le nez de sa cible. Selon les missions et selon sa façon d’opérer, on peut tout aussi bien passer une heure que quatre heures à crapahuter sur les toits et les ruelles de la ville. Car la vraie force de Dishonored, c’est de nous donner la possibilité d’opérer de la façon que l’on souhaite. Partir tête baissée, mousquet à la main et prêt à faire parler la poudre ou bien de façon plus discrète, par les toits, observant dans l’ombre et assommant chaque garde pour avancer lentement et surement vers sa cible. Ou pourquoi pas les deux ? Personnellement, j’ai opté pour la troisième solution. Avancer de façon la plus discrète possible, mais ne boudant pas mon plaisir à égorger le premier garde qui me surprend à voler la bourse d’un autre garde en pleine contemplation de l’océan. Les alternatives sont tellement nombreuses que l’envie de refaire une mission aussitôt terminée se fait  systématiquement sentir. Surtout si vous êtes un perfectionniste et que vous souhaitez obtenir un écran de statistiques parfait sans la moindre victime et un taux de chaos proche du zéro. Dishonored réussi là où tant de jeux s’égarent : la diversité. On peut passer par les toits, contourner par les égouts, passer par l’intérieur d’une maison, pirater un système de sécurité ou bien prendre possession d’un rat pour s’infiltrer de façon totalement transparente. Car si Corvo peut se composer un joli petit arsenal à base de mousquet, arbalète ou grenades, on peut également jouer la carte du super héros avec une tripoté de pouvoirs les plus utiles les uns que les autres.

Marvelesque

Après notre première rencontre avec l’Outsider, on finit avec une marque sur la main gauche nous conférant un premier pouvoir : Le clignement. Entendez par-là la possibilité de passer d’un point A vers un point B en une fraction de seconde, sans pour autant pouvoir se téléporter à travers quelque chose. Un pouvoir rudement efficace pour se sortir du pétrin, prendre les gardes par surprise ou pour atteindre un point en hauteur inaccessible. Et si au départ le clignement se montre assez limité, notamment sur la distance de « téléportation », il est tout à fait possible de l’améliorer ou d’acquérir d’autres pouvoirs supplémentaires en utilisant des runes. Des osselets de baleines marquées de symboles mystiques. Si on peut en acquérir en suivant la trame du scénario,  il faudra débusquer les autres en utilisant un cœur mécanique confié par l’Outsider, qui en plus de nous donner des informations sur une personne ou un lieu que l’on pointe, nous indique de façon précise la position des runes et des charmes d’os. Du côté des pouvoirs, il y en a pour tous les gouts et chacun d’eux peut coïncider avec la façon de jouer que l’on adopte. Par exemple, le joueur de l’ombre optera pour la possibilité de voir à travers les murs, de posséder un humain ou animal ou bien de figer le temps alors que l’écorcheur optera plutôt pour l’invocation de rats enragés, la possibilité de réduire en cendres les ennemis tués de façon discrète ou bien l’invocation d’un souffle dévastateur. A chacun sa recette, sachant que pour les amateurs de trophées / succès, il en existe un pour les joueurs n’ayant jamais utilisé ou acquis un pouvoir. De quoi donner des idées. Pour les armes plus terres à terres, Corvo peut allez voir un certains Pierrot, qui en échange de plans et d’argent, lui confectionne des améliorations pour ses armes, son équipement ou des munitions particulières comme des flèches tranquillisantes ou bien ardentes. Encore une fois, Dishonored laisse libre court à l’imagination du joueur qui a toutes les cartes en main pour se forger lui-même sa propre aventure et débloquer ainsi l’une des trois fins que propose le jeu.

Peinture vivante

Pour finir, parlons un peu de technique qui est vraisemblablement le point où le titre des créateurs d’Arx Fatalis est le moins à son avantage. Tournant sur l’Unreal Engine, Dishonored fait pourtant mouche dès le premier coup d’œil à l’aide de ses textures peintes à la main qui lui confère une chaleur et une patte graphique du plus bel effet. Les environnements visités regorges de détails, la palette de couleur se montre très large, la profondeur de champ est  convaincante, la gestion des lumières renforce l’effet coup de poing de la direction artistique, que je trouve personnellement à tomber, et on a jamais cette vilaine impression de revoir systématiquement les mêmes décors.  Dunwall s’affiche ainsi comme une gigantesque fresque pleine de vie  que l’on aime parcourir de long en large. Néanmoins, on peut tout de même pointer du doigt des modélisations assez « simplistes » dans l’ensemble et des textures qui manquent de finesse. Les joueurs PC seront certainement ravi d’apprendre (Mais ils le savent déjà) que le jeu est nettement plus impressionnant sur leur machine. Outre ces quelques petits défauts, Dishonored ne semble pas souffrir de ralentissements particuliers, de bugs de collisions ou bien d’aliasing qui viendraient ternir le tableau. Seule l’Intelligence Artificielle, qui se montre tout de même remarquable tout au long du jeu – surtout dans le mode de difficulté le plus élevé – peut montrer quelques rapides signes de faiblesse avec des gardes au comportement très bizarre par moment et une attitude plus qu’étrange de certains PNJ. Bien heureusement, ces écarts n’arrivent que très rarement et l’expérience de jeu ne s’en voit pas perturbée. Enfin, si les amateurs de VOST seront tristes d’apprendre qu’il n’est pas possible de basculer les dialogues en anglais sur les versions Playstation 3 et Xbox 360, ils seront certainement soulagés de constater que la version française se montre plutôt convaincante. Une véritable aubaine quant au travail qui a été réalisé sur la partie sonore du titre. En plus de différents effets comme la distorsion du son lorsqu’on utilise le clignement, le jeu baigne dans une ambiance musicale en parfaite adéquation avec les lieux visités. Que ce soit visuel, sonore ou pad en main, Dishonored nous immerge dans son univers avec brio sans que l’on parvienne à en décrocher avant le clap final, une subite coupure de courant ou alors un brutal rappel à l’ordre d’une tierce personne mécontente de tant de ravissement pour un jeu. Certains me comprendront.

Véritable bouffée d’air frais, Dishonored peut d’ores et déjà poser ses deux pieds sur le podium des meilleurs jeux de l’année. Sans pour autant parler de chef d’œuvre absolu, le titre d’Arkane Studios possède une main de maitre dans une partie de poker qui semble bien perdu d’avance par ses timides adversaires. Profitant d’un gameplay affuté autant prenant que grisant, d’une très grande liberté d’action et d’une direction artistique à en pleurer, Dishonored ne montre que quelques petits signes de faiblesses par sa technique et son scénario un brin trop classique. Si le combat commercial sera très compliqué contre les traditionnelles licences hivernales pourtant éculées, Dishonored mérite le plus gros soutien des joueurs. Et passer à côté serait même une terrible erreur. 

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