Un sorcier, ça fait quoi dans la vie? Selon Soul Sacrifice, assez souvent, ça va chasser du mob. Du petit mob de base comme un rat mutant, comme du gros cyclope de 5 mètres de haut. J’ai dit assez souvent? Pardon je voulais dire tout le temps. N’espérez pas incarner un ersatz d’Harry Potter en classe de concoction de potion, vous êtes là pour basher du mob en arène et en boucle. Soul Sacrifice, dernier titre de Keiji Inafune, est un action RPG à grosse tendance grind (voir Monster Hunter ou encore Phantasy Star Online). Keiji, c’est juste un type qui a bossé sur des séries peu connues comme Megaman, Street Fighter, Onimusha (à quand une suite/reboot?) ou plus récemment Dead Rising. Le genre de type qui sait ce qu’il fait et dont on surveille les projets donc. Son nouveau titre mérite-il notre attention ou peut-on le sacrifier sur l’autel du Dieu “Raypétityf”?
Magusar est un sorcier plutôt maléfique, et lorsqu’on est maléfique et vivant, ça signifie généralement qu’on est plutôt puissant également. Magusar, c’est même le genre à être maléfique, puissant, et en plus immortel. Enfin immortel… Il est en fait capable d’absorber la vie des personnes qu’il sacrifie afin de prolonger la sienne. Et pas de bol, le prochain sur la liste, c’est vous. Mais heureusement pour vous et le scenario, la dernière victime du sorcier a laissé tomber un curieux livre qui se révèle être vivant, et même doué de parole (tel le Grimoire Weiss de Nier, jouez y c’est un ordre). Mieux que ça Librom, car tel est son nom, est capable de vous faire revivre les histoires qui parcourent ses pages jaunies et, se faisant, de faire de vous un authentique sorcier capable de rivaliser avec Magusar.
Le jeu permet donc de revivre principalement l’histoire du coéquipier de Magusar, lorsque celui-ci était du côté moins obscur de la magie. Magicien sans nom et oublié, c’est l’occasion pour le joueur de choisir son sexe et son apparence (modifiable à loisir entre les missions). Conté uniquement par une voix off pré et post quêtes ainsi que par les quelques répliques que s’échangent les protagonistes au début de celles-ci, le scénario se révèle bien plus intéressant et captivant que ce que l’on pourrait attendre du genre. Les souvenirs des monstres battus sont absorbés et bien souvent mélangés (occasionnant quelques twists scénaristiques) à ceux du protagoniste principal, qui sombre peu à peu dans la folie. Et puis finir chaque quête sur un “X jours avant la fin du monde” avec le nombre qui décroit évidemment tout au long de l’avancée, c’est certes facile, mais ça reste efficace pour provoquer la curiosité du joueur avide de révélation. En plus de la trame principale, quelques chapitres annexes sont consacrés à quelques personnalités « sorcerresques » comme un magicien élevé par un monstre et les “pactes d’Avalon” quêtes non scénarisées, ou presque, et qui représenteront la plupart de votre temps de jeu, de par leur nombre (très!) important et par le fait que celles-ci sont jouables en multijoueurs (sur le net comme en local) jusqu’à 4.
Alors comment ça se passe une quête? Pour la plupart d’entre elle, on débarque dans une arène ouverte comprenant quelques mobs de base et un boss. Du genre grand le boss. Du genre je fais 5 fois ta taille. Et l’objectif, ben c’est de l’abattre. Voilà. Next. Quelques autres missions vous opposent uniquement à du péon de base, quand d’autres vous demandent de récolter du fragment d’âme sur la carte ou vous mettent face à face contre un autre sorcier, mais le gros du boulot c’est d’éclater du boss. BASTON! (NDLR: Battons-nous !!!)
Moi je veux bien mais comment? Espèce de sorcier de Poudlard! Arrête d’oublier que tu es un sorcier et balance moi du sortilège! Les sorciers de Soul Sacrifice catalysent leur sorts à partir d’objets/offrandes. Chaque offrande donne un sort différent et peut être utilisée un certain nombre de fois avant de perdre son pouvoir (mais est rechargée après chaque quête). Grande force du soft, les offrandes sont très nombreuses et assez variées: certaines vont créer des boucliers, d’autres des armes de mêlée, d’autres encore permettent d’attaquer à distance à coup de projectiles, voire de se soigner après un bobo (vous en aurez). La plupart ont des dérivés élémentaires (feu, glace, terre, venin ou foudre) mais attention, seules 6 offrandes peuvent être portées à la fois (ils ne connaissent pas la formule pour le sac sans fond). De quoi laisser le choix dans son build, qui sera en plus complété par des runes permettant d’améliorer telle ou telle caractéristique (comme des bonus sur la défense contre un élément, ou une amélioration des armes de mêlée). Évidemment les offrandes les plus puissantes sont plus rares et difficile à avoir, et de plus, avoir 2 offrandes identiques permettent de les fusionner pour les rendre plus efficaces/durables et mélanger des offrandes permet d’en créer de nouvelles. Vous le sentez venir le grind? Tel un Monster hunter, on va donc faire de la quête en boucle afin d’obtenir toujours plus d’offrandes afin d’améliorer encore et toujours son matériel et devenir de plus en plus fort. Donc si j’utilise trop une offrande, celle-ci devient inutilisable? C’est bien ça, sauf qu’il y a deux manières de les recharger en combat: absorber la force d’objet comme des arbres sur la carte, ou plus simple: le sacrifice. Chaque monstre abattu peut être sacrifié, ce qui recharge un peu ses offrandes. Mais on peut également choisir de les épargner afin de regagner un peu de santé.
L’autre moyen de gagner en puissance, comme dans tout RPG, c’est de monter son level. Enfin, ici, de SES levels. Chaque monstre abattu peut être sacrifié, augmentant alors votre niveau “occulte” et votre puissance, ou bien épargné, augmentant en conséquence votre niveau “sacré” et vos défense/santé. Libre à vous d’augmenter uniquement un seul côté ou de les monter équitablement. Par contre seul un maximum de 100 lvl combinés est atteignable. Améliorer sa magie au-dessus de 50 se fera donc au détriment de la défense et inversement.
Ce système de sacrifice/épargne est également applicable à vos alliés (I.A. comme autres joueurs) tombés au combat: un allié précieux peut être sauvé en échange de 50% de sa vie, ou vous pouvez décider d’en finir avec sa médiocrité, ce qui déclenchera un puissant sort à même d’en finir avec un boss un peu rebelle. Mais si vous décidez de qui doit vivre ou mourir, n’oubliez pas que vos alliés auront le même choix à faire si vous succombez. Enfin, en cas de gros coup dur, on peut déclencher un rite obscur capable d’occasionner de très lourd dégâts, mais il y a évidemment un lourd tribut à payer: une partie de soi. Sacrifier sa peau fera par exemple pleuvoir une tempête de flamme sur vos ennemis mais baissera votre défense de 50%, quand sacrifier un œil permettra de lapider ses ennemis en échange d’une vision bien affectée (à peine 20% de l’écran reste visible).
Seul moyen de “réparer” son corps après un rite obscur: utiliser du Lacrima, qui n’est autre que des larmes récupérées entre les missions sur Librom. Le Lacrima peut également réparer une offrande trop utilisée, ramener un allié sacrifié (ou juste « parti » car il était du côté obscur et que vous vous la jouez un peu trop « mon petit poney » à son goût ou inversement), voir même vous supprimer quelques niveaux si vous souhaitez revoir votre équilibre. Et c’est qu’il est larmoyant le bouquin, si vous faites suffisamment attention à ne pas détruire vos offrandes (celles qui ne sont pas vides en fin de quêtes sont rechargées et un pop-up vous prévient lorsqu’une offrande atteint sa limite) vous aurez rapidement des tonnes de Lacrima. Ce qui malheureusement nuit un peu concept… au bout d’une dizaine d’heures de jeu, j’avais par exemple plus de 1000 Lacrimas à disposition, me permettant de réparer/ressusciter sans avoir à penser aux conséquences (et à l’heure actuelle plus de 3000, une vraie fontaine le Librom!).
Niveau Gameplay, c’est du bon: déplacements et camera sur les sticks, esquive sur la croix, les 3 autres étant affectés aux offrandes, avec une gâchette permettant de switcher entre les 2 sets de 3 offrandes et l’autre de verrouiller un ennemi. La caméra en fait parfois un peu à sa tête et le système de lock est assez capricieux mais ça reste jouable, et surtout on est loin de la lenteur d’un Monster Hunter ou de Phantasy Star Online. C’est rapide, nerveux et basé sur l’esquive. Les coups font mal, et même un sorcier de niveau élevé coté sacré y réfléchira à deux fois avant de se prendre une claque (le sorcier full dark se fera régulièrement one shot une fois les quêtes de difficultés supérieures atteintes). On apprend donc au fur et à mesure à apprendre les patterns des boss afin de savoir quand frapper et surtout quand esquiver.
La direction artistique est également réussie, en particulier le character design des boss, à mi-chemin entre mythologie grecque et design purement japonais. Les décors sont un peu en retrait, plutôt vides et ayant des textures parfois peu flatteuses mais restent agréable à parcourir. Mention très bien pour les menus qui ne sont autres que les pages de Librom. La musique n’est pas en reste, très réussie et épique. En revanche pour finir avec l’audio, hormis les doublages du bouquin sarcastique et de la voix off plutôt réussis, ceux des sorciers alliés oscillent entre le passable et le médiocre. Mais si seul leur doublage était mauvais… Les pauvres sont dotés d’une I.A. tout simplement calamiteuse. Incapables de s’éloigner lorsqu’un boss va lancer un sort de zone ou de juste RESTER dans votre zone de soin pour aller s’élancer presque mort vers l’ennemi, vos compagnons sont beaucoup trop souvent une nuisance plutôt qu’une aide. Sur un combat un peu délicat, j’ai dû sans exagérer sauver 10 fois un allié avant de me prendre une claque un peu rude, tomber KO et de voir ce même allié me sacrifier sans hésiter (NDLR: Mais quel fils de sa maman..). Nul besoin de préciser que moins de 20 secondes plus tard celui-ci sera par terre telle la baleine échouée, tout comme la quête donc… Heureusement comme précisé plus haut, les pactes d’Avalon sont réalisables en multi-joueurs. Modèle de stabilité d’ailleurs. Pas un lag, pas un plantage, aller chasser du mob en ligne est un vrai plaisir et devrait combler les chasseurs connectés pour longues heures…
Car des heures, il va falloir en sacrifier pas mal! Keiji Inafune avait prévenu, il veut nous voir grinder. Chaque quête ne rapporte qu’un nombre précis d’offrandes, vos performances augmentant le nombre de récompenses. Et comme vu plus haut, un grand nombre d’exemplaires d’une même offrande doivent être récupérés afin de les améliorer. Et si jamais vous avez l’âme d’un collectionneur, réunir tous les types d’offrandes va vous occuper un moment. Si battre Magusar peut se faire en environ 20-25 heures, compléter tous les pactes en nécessitera au moins le double. Mais pour ça il faut tout de même avouer qu’il faut accrocher au jeu. Le style voulant ça, la répétitivité du soft peut rapidement entraîner une lassitude, renforcée par une variété d’ennemis bien trop faible: à peine 3 ennemis de base, certes déclinés dans les différents types élémentaires mais attendez-vous à basher du rat, de l’orque et de l’oiseau par milliers. La variété des boss est heureusement bien plus importante (un peu plus d’une vingtaine) et assez variée dans leurs patterns (certains sont tout de même des variations élémentaires les uns des autres).
Premier Monster Hunter like de la PS Vita, Soul Sacrifice a su trouver son propre style tant artistique que niveau gameplay. Son rythme rapide et nerveux, la multitude d’offrandes à collectionner et sa durée de vie plus que conséquente en font un jeu réussi. Pour peu que vous appréciiez le style et qu’un peu (beaucoup) de grind ne vous fait pas peur, on ne peut que vous conseiller de sacrifier de votre temps pour rejoindre les sorciers d’Avalon.
